Confondre l’irrévérence avec l’esprit sale gosse

Deadpool est un bon film, bénéficie d’un rythme soutenu et d’acteurs investis. Deadpool est un film joueur qui se plaît à cultiver une constante mise en abyme du cinéma hollywoodien à grands coups de grossièretés, de sexualité débridée et de quatrièmes murs brisés. Mais Deadpool n’est pas une œuvre irrévérencieuse, encore moins la révolution annoncée dans le film de super-héros. Car en dépit d’un goût pour le sang et les blagues vaseuses, le film fonce tête baissée dans le plus conventionnel des canevas, s’amuse à croiser les temporalités et cultiver les ellipses pour complexifier un récit banal voire bancal : un homme est changé contre sa volonté en monstre doté de pouvoirs surhumains, cet homme veut se venger, sa petite-amie est enlevée, cet homme la retrouve et tue le méchant, sa petite-amie est sauvée, fin. On introduit l’équipe héroïque que l’on retrouvera certainement plus tard pour renchérir sur un personnage certes haut en couleur mais aux enjeux déjà vus et revus. Surtout, il faut faire la distinction entre rendre visible un cliché et le contourner ; or Deadpool prend plaisir à faire un pas de côté à chaque passage obligé de son scénario pour, en contrepartie, y sauter à pieds joints. Il ne suffit pas d’avoir conscience d’un lieu commun pour l’annihiler, encore faut-il avoir quelque chose à y mettre en lieu et place. Dans l’écurie Marvel Deadpool n’est qu’un cheval de course indiscipliné et effronté qui provoque gentiment l’auditoire, amuse la galerie pour finalement faire ce que l’on attend de lui, acrobate talentueux qui jette de la poudre aux yeux pour mieux masquer sa linéarité confondante et ainsi marquer sa place auprès du public. Car Deadpool trouve sa définition dans le conformisme qu'il prétend démonter. Outre cet aspect marketing erroné, le long-métrage fonctionne et divertit en proposant d'ailleurs quelques gags vraiment hilarants et intelligents parmi une marée de blagues parfois hasardeuses.