Factice Instinct
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Vu au cinéma à sa sortie après avoir lu un avis enthousiaste, je ne cacherai pas avoir été plongé pendant la séance dans un abîme de perplexité, au point d'être incapable postérieurement d'aligner une opinion cohérente, ayant eu l'impression (pas seulement l'impression d'ailleurs) de ne pas avoir capté grand-chose. Sauf certaines images très esthétisantes comme cette scène de baston vue à travers un grillage éclairé et rythmé par le clignotant d'une voiture ou encore la scène finale sur la plage. Et bien sûr, forcément, l'actrice principale …
Là, m'étant procuré le DVD, j'ai pu reprendre tout ceci dans l'ordre.
D'abord, l'histoire nécessite de la part du spectateur une vigilance de tous les instants s'il ne veut pas être largué. Tout est pourtant dit (ou écrit dans des SMS …) mais pas forcément dans le fil de l'histoire et sans s'étendre. Park Chan-wook ne répétera pas l'info essentielle deux fois pour les élèves, pardon les spectateurs, pas attentifs. Il y a donc intérêt à plonger dès le départ, de sorte à être totalement immergé dans le film. Faute de quoi, arrive ce qui m'est arrivé …
L'autre difficulté, c'est que le film démarre par une histoire policière où un homme fait l'escalade d'un piton de 35O mètres (l'équivalent de 138 étages … Je n'en dirai pas plus) pour les redescendre aussitôt en "volant" et finir de s'écraser au sol, ce qui entraine une enquête policière. Mais très rapidement, l'histoire policière laisse la place à quelque chose de très différent qui est la relation qui s'établit entre un inspecteur et la principale suspecte qui est l'épouse de l'homme mort, la veuve.
Et, rapidement, le spectateur, ayant quelques clés en main, se demande si la femme suspecte Song Soré n'est pas ce que le cinéma a produit à profusion, c'est-à-dire une femme fatale. D'ailleurs, il n'y pas que le cinéma puisque ça commence déjà avec Dalila ou Salomé avant d'apparaître sous les traits de Lana Turner, Rita Hayworth et beaucoup plus près de nous, Sharon Stone.
Non, Song Soré est une très habile variante de la femme fatale. Elle est belle, ça c'est sûr. Mais elle n'utilise aucun artifice physique ou gestuel des femmes que j'ai citées plus haut. Pas de danse comme pour Dalila ou Salomé, pas d'enfilage ultra sensuel de gant ou de croisement de jambes sous des yeux attentifs. Non, ici, on est en Corée. Même si la société est capable des plus grandes violences, le fonctionnement de la société coréenne reste d'une grande pudeur. Song Soré est belle, certes mais d'une beauté presque discrète, en rien tapageuse. Ici tout se passe dans les regards, dans la simplicité des attitudes, dans des dialogues parfois même indirects (traducteurs instantanés chinois/coréen ou pire des SMS). Et ça marche. Et la relation a quelque chose de beau et même d'émouvant, si tant est qu'on perde de vue que la relation résulte d'une subtile manipulation.
Spoiler : si je me résume, il s'agit d'une histoire policière dans laquelle s'établit une relation vénéneuse entre l'inspecteur et la veuve pour se terminer en un acte d'amour impossible, d'amour fou mais d'amour platonique ?
Le rôle (délicatement vénéneux) de la veuve est assuré par l'actrice chinoise Tang Wei dont le jeu est à la fois mystérieux et puissant (c'était une des rares choses que j'avais à peu près bien perçues lors du premier visionnage …)
Mais le personnage du policier, joué par Park Hae-il, n'est surtout pas à dédaigner car son jeu le fait passer de façon très convaincante d'un état de policier brillant à un personnage qu'on peut considérer comme brisé.
C'est donc un bon film, superbement mis en scène par Park Chan-wouk, qui, d'une part, va mériter de rejoindre ma liste de films noirs et d'autre part de poursuivre ma connaissance de ce cinéaste.
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Créée
le 19 mars 2025
Critique lue 111 fois
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3 commentaires
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