On a souvent évoqué Nicolas Boukhrief le réalisateur, mais il est déjà arrivé que l'ancien critique de Starfix soit scénariste pour les autres. C'est ainsi qu'il a écrit un premier jet du Silent Hill de Christophe Gans (sans être crédité) ou qu'on le retrouve au scénario d'Assassin (s) (Mathieu Kassovitz, 1997) ou de films de son collaborateur Eric Besnard (il a écrit Le convoyeur et Made in France pour lui). C'est encore le cas ici avec cette histoire autour du premier restaurant de France ou du moins un des premiers.


En effet, Délicieux n'a pas la vocation d'être un biopic, encore moins de mettre en avant une personnalité de la cuisine française. Délicieux est donc une fiction se situant à l'époque où des restaurants ont commencé à émerger, ce qui coïncide également avec les balbutiements de la Révolution Française, à la libération des échanges (permettant ainsi aux marchands de vendre plus d'un produit) et le départ des nobles avec cuisiniers à la rue. Cette dépendance est abordée au cours du film, le cuisinier incarné par Grégory Gadebois étant viré par le Duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe) sur une critique, avant d'attendre sans cesse qu'on le rappelle à la cour. Ce qui n'arrivera jamais.


Besnard parvient à retranscrire l'humiliation faites à cet homme viré pour un simple choix d'ingrédient (la pomme de terre assimilée à de la nourriture pour cochons), mais croyant encore qu'il a une chance jusqu'au déclic. Et quand les humiliés se vengent, cela donne un sacré coup de poker où les perruques tombent.


Si l'histoire d'amour entre le cuisinier et son apprentie (Isabelle Carré) n'est pas forcément d'une grande utilité en fin de compte, elle a le mérite de sortir un peu des sentiers avec une relation amour-haine, chacun se tournant autour sans s'avouer ses sentiments au point d'aller dans les mauvaises directions. En revanche, Besnard se révèle toujours passionnant quand il part sur la cuisine. Certes cela ne plaira pas à tout le monde (il faut aimer le lapin), mais le réalisateur parvient toujours à magnifier les artisans et leurs produits, au point d'avoir faim après le visionnage.


Gadebois s'avère mémorable en cuisinier contenant tout et la scène à la cour où il encaisse tout sans broncher en est la preuve. Besnard part de Lavernhe et un travelling arrière nous montre progressivement que l'on suit le point de vue du cuistot. Une manière comme une autre de l'isoler en le plantant au milieu devant des commentateurs faisant des compliments, avant de déchaîner les enfers. Un personnage bourru mais attachant et il en est de même pour ceux qui l'entoure.


Le personnage de Guillaume de Tonquedec pourrait être vu comme supérieur au cuistot et pourtant comme lui, il apparaît comme un être méprisé par ceux qui l'engage au point de se demander si sa place ne serait pas ailleurs également. Le Duc est montré comme une girouette prête à tout pour avoir les faveurs de tous, quitte à dézinguer ses jouets pour mieux arriver à ses fins. Lavernhe incarne avec saveur un personnage égoïste et stupide pris à son propre jeu.


Délicieux est un film historique réussi, captivant grâce à un récit bien écrit et bénéficiant d'un cachet indéniable au niveau de ses costumes et de son décor quasi-unique pour restaurant.

Borat8
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Journal de bord 2021, 2021, Les films vus au cinéma - 2021 et Mad France (2020-)

Créée

le 5 oct. 2021

Critique lue 152 fois

Borat 8

Écrit par

Critique lue 152 fois

D'autres avis sur Délicieux

Délicieux
sawatdie
4

Critique de Délicieux par sawatdie

(Ce que j’écris ci-dessous peut dévoiler certains pans de ce film que je tiens pour simplet – comme l’est ma "critique" - et outrancier à la fois.)Il semble que les auteurs se soient inspirés...

le 12 avr. 2023

42 j'aime

13

Délicieux
No_Hell
7

Libérés, délivrés ...

Le film est plus plaisant que ce à quoi je m’attendais, étant donné les avis que j’avais pu lire et le public plus que clairsemé dans la salle. Il faut en convenir, la vérité historique n’est pas...

le 21 sept. 2021

24 j'aime

38

Délicieux
Foudart
8

Un film gourmand et sensitif

Comment est né le premier restaurant ? Au cours de lectures sur le XVIIIème siècle, je suis tombé sur l’invention du concept du restaurant. Je ne m’étais jamais posé la question de l’origine de ce...

le 30 août 2021

17 j'aime

4

Du même critique

Les Aventuriers
Borat8
9

L'aventure c'est l'aventure

Fort Boyard est diffusé en France depuis 1990 et a connu plus d'une version étrangère. La particularité du jeu est que le fort est un décor unique pour chaque version, monument historique situé dans...

le 12 avr. 2020

5 j'aime

Kaena : La Prophétie
Borat8
7

Entre deux mondes

En 2003, ce film d'animation français avait fait grand bruit avant sa sortie et pour cause, il était visiblement le premier long-métrage réalisé en CGI en France. Le souci est que le soufflet est...

le 19 févr. 2020

5 j'aime

Eternal Sunshine of the Spotless Mind
Borat8
9

Everybody's gotta learn sometime

Après une première collaboration bien loufoque (Human Nature, 2001), Michel Gondry et le scénariste Charlie Kaufman se lançaient dans cette histoire de voyage mental un peu dans le sillon de Dans la...

le 21 déc. 2019

4 j'aime

6