Le dernier train pour Busan : quand le blockbuster invite à réfléchir sur la nature humaine

Lorsque l’on commence à regarder le Dernier train pour Busan, on pourrait être sceptique. Scénario déjà vu et revu. Personnages stéréotypés (l’homme d’affaires distant, la petite fille innocente, la femme enceinte, le sportif, la pompom girl,…). On s’attend à suivre un énième film de zombies de série B. Cependant, tout au long du visionnage, on se laisse surprendre. Sang-ho Yeon, le réalisateur, dépeint le monde apocalyptique qu'il a imaginé comme un observatoire du comportement humain et de ses dérives. Derrière les codes d’un blockbuster se cache une véritable réflexion sociale cynique. L’humain y est dévoilé sans artifices, dans un écrin d’égoïsme sanglant.


Le synopsis est simple : en Corée du Sud, un virus se propage dans la population. (Le terme virus prenant un tout autre sens en période de pandémie mondiale. L’emploi de mots comme « cluster » et « quarantaine » ne manquera pas de vous faire frissonner.) Ceux qui sont touchés subissent des mutations et se transforment en des créatures sanguinaires : des zombies. Seok-woo et sa fille Sun-an se trouvent piégés dans un train infesté et doivent tout faire pour bien arriver à bon port. Une course contre la montre débute alors : il s’agit pour eux de s’assurer d’être à l’abri en attendant de descendre du train. Bien entendu, rien ne se passe comme prévu. Des rivalités émergent entre des passagers sous pression, on refuse de les accueillir en gare,… Ce trajet en train prend alors l’allure d’un parcours du combattant. 
Si on ne devait ne retenir qu’un point positif de ce film, ce serait son rythme. La cadence nerveuse et énergique est particulièrement soutenue. On passe sans cesse d’un rebondissement à un autre, si bien qu’il est impossible de s’ennuyer. Ce thriller effréné est aussi nourri par sa bande-son et par sa scénographie qui mettent en exergue un suspens déjà omniprésent. La réalisation est en effet particulièrement soignée. Elle offre des plans magnifiques, tout en couleurs, marque de fabrique du cinéma coréen. Il faut cependant noter que l’obscurité est également au cœur de cette œuvre puisque les zombies sont totalement aveuglés dans le noir. Un jeu d’ombres et de lumières se crée alors, ajoutant à la tension du film.
En effet, par la figure des zombies, Sang-ho Yeon joue avec les codes du cinéma du genre. Contrairement à la majorité des films de genre hollywoodiens, ces monstres peuvent courir et ne voient pas dans le noir. Cette touche d’originalité tient encore davantage les spectateurs en haleine. Le cadre du train participe aussi à transcender les poncifs de l’horreur. Bien loin des traditionnelles courses-poursuites dans une forêt ou dans des ruelles abandonnées, ce décor ferroviaire se joue de nos repères. La violence en elle-même diffère d’autres blockbusters : les convulsions des zombies sont plus impressionnantes, leurs blessures et membres désarticulés, plus sanglants. Ces éléments ne manqueront pas de vous marquer fortement.
Cependant, si on pourrait s’attendre à ce que cette dimension sanguinolente soit trop lourde, ce n’est nullement cas. Les moments tendres et sensibles émaillés tout au long de ce film lui donnent une certaine légèreté et douceur. Le réalisateur sait alterner de rocambolesques scènes d’action et des moments plus intimistes entre les personnages. En effet, si comme évoqué précédemment les héros pouvaient apparaître clichés, on les découvre en fait complexes et multidimensionnels. Le père par exemple, au début caractérisé par sa froideur et sa maladresse vis-à-vis de sa fille, s’avère être courageux et aimant. Face au danger et à la mort, les protagonistes se révèlent.
En effet, il s’agit là du principal propos du film qui en tire presque tout son intérêt. Au fur et à mesure du film, le spectateur se rend compte que le véritable combat ne se déroule pas entre les hommes et les zombies mais entre les hommes eux-même. Sous couvert d’un blockbuster, l’œuvre de Sang-ho Yeon dresse un portrait peu flatteur d’une humanité plongée dans ses derniers retranchements. La forme du huis clos permet d’explorer la psychologie humaine de manière incisive. Face à l’apocalypse, ceux qui essaient de sauver leur peau se montrent souvent individualistes ; le personnage du directeur de gare en est le parfait exemple. Cependant, on se doit de noter que cette sombre critique sociale est contrastée par un discours moraliste. Si le terme naïf peut sembler inapproprié lorsqu’on se penche sur un film si cynique, la fin vient démentir ce présupposé. SPOILER : Seuls deux passagers survivent : la femme enceinte et la petite fille, les deux personnages les plus altruistes et purs du film. On constate donc non sans ironie, que c’est précisément en voulant casser les codes d’un cinéma de genre traditionnel et porter un message fort que Sang-ho Yeon finit par s’y enliser.
tarteauxlettres
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le 6 sept. 2020

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