Deseret
6.2
Deseret

Documentaire de James Benning (1995)

Une oeuvre de cinéma unique, prégnante et vertigineuse ! Deseret bouleverse littéralement notre regard de spectateur : succession arbitraire de paysages ponctuée d'étranges épitaphes ce film expérimental pour le moins évocateur parvient - sans l'ombre d'une musique ni d'un verbe quelconque - à nous passionner comme peu d'autres. En taisant le mot James Benning emprunte un tout autre langage : celui de l'image, universelle, aussi bien lisible pour l'autochtone que pour l'exotique ; le réalisateur américain livre un objet proprement sidérant, jouant constamment sur l'écho et la rémanence, avec un soin sémiologique pour le moins salutaire...


Rarement les plans d'un film auront porté en eux une telle adéquation entre leur signifiant et leur signifié, entre leur forme et leur conception. Benning pulvérise totalement la grammaire et le langage cinématographique, laissant chaque image exister pour et par elle-même... avant de la confronter à quelqu'une du métrage, comme une curieuse, une étonnante réminiscence. Tel est le cinéma de Benning : un Art de la promenade, qui requiert l'exercice du regard sans délaisser le vagabondage, l'ennui ou l'assoupissement.


Jouant sur un apparat documentaire Benning présente son amoncellement de plans à la manière d'un archiviste : maintes et maintes dates, anachroniques le plus souvent, parsèment ce landscape film aux aspérités visuelles remarquables... Filmées bien avant la naissance du cinématographe les premières vues datées dudit film de James Benning nous confortent dans l'idée que le Septième Art reste avant tout affaire de manipulation, et non de morale. Moins étirés, moins durables que dans les films plus récents du cinéaste les plans de Deseret portent néanmoins la marque du passage du temps, montrant avec impartialité les forces telluriques ancestrales et les signes du progrès, de la civilisation, de l'Homme invisible à l'image et pourtant bien présent.


Voilà certainement l'une des réussites majeures du cinéma de Benning : moins conceptuel que les magnifiques Ten Skies, RR et 13 Lakes Deseret demeure l'un de ses films les plus labyrinthiques, et l'un des plus saisissants sur le plan purement formel. Fascinant et inoubliable !

stebbins
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le 3 sept. 2017

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