Esclave ou ne pas être, telle est la question.

Django Freeman, un esclave racheté par deux frères marchands, est un jour libéré par le Dr. King Schultz, un chasseur de primes qui a besoin de lui pour retrouver trois têtes mises à prix. Il lui promets que s'il accepte de l'aider, il l'aidera à retrouver sa femme...
"Django Unchained" est la parfaite synthèse des deux derniers films du cinéaste. Le récit et la structure du récit humbles s'associent pour le meilleur avec la fresque historique bavarde de "Inglourious Basterds". Quand Shoshanna attendait les nazis dans son cinéma, Django ira traquer ceux qu'il cherche directement chez eux. Dans l'Ouest de Tarantino, ce ne sont pas les ennuis qui viennent aux personnages mais ce sont les protagonistes qui s'avancent courageusement avec audace et témérité vers le danger. Cette structure qui régit tout le film représente parfaitement le parti-pris schématique qu'a opéré Tarantino durant toute sa carrière, et "Django" en est presque une oeuvre somme. Un cinéaste qui ne cesse dans "Django Unchained" d'expérimenter lors de ses incursions de flash-backs, ses élans poétiques et remplis de rage. Même dans le récit, tout déroute mais s'avère si jouissif qu'il est impossible de dénigrer cette richesse historique qui fait le coeur même du film. Une richesse à laquelle le cinéaste s'adapte avec une aisance telle que l'on continue après la séance à repenser le film sur tous ses aspects. Tout d'abord la mise en scène, parfaite, qui génère, outre les passages survolés par les splendides musiques des westerns européens qui donnent envie de les réécouter de suite à répétition, une jouissance de violence marquée non seulement par des gunfights, peu nombreux mais inoubliables, véritables cris de rage poussés par Django, et des longues séquences de dialogues aux chutes inattendues dans la première partie du film, et au suspense incroyablement tendu lors de la seconde moitié.
Qui dit Tarantino dit réalisation au cordeau mais aussi interprétation au sommet. Jamie Foxx, tout en timidité se muant en agressivité avec une retenue admirable, trouve là l'un de ses plus beaux rôles. La prestation de Waltz en dandy beau-parleur fait également preuve d'un charisme fou ou les joutes verbales et autres métaphores sont de mises dés qu'il ouvre la bouche. Face à ce duo de buddy-movie westernien, Leo DiCaprio ne démérite pas et même si son rôle s'avère, non pas le plus faible, mais le plus en retrait, son jeu alterne intensité et politesse de tous les instants. Peut-être que le personnage de Calvin Candie trouve finalement ses meilleurs moments, comme le duo d'en face, quand il est accompagné par Stephen, monstre plus blanc que noir, la vraie ordure du groupe, l'espèce de forme de collabo issue des restes de "Inglourious Basterds". Samuel Jackson semble n'avoir jamais été aussi bon et pourtant...
Toute cette réussite, tous ces seconds rôles formidablement bien campés et répartis sur une fresque initiatique se transformant dans un ballet de mots avant le grand final, attestent de toute la maîtrise d'un cinéaste qui signe avec ce "Django Unchained", un pamphlet anti-raciste, une ode au genre qu'il a toujours aimé et à tous les artistes qui ont façonné son oeuvre.
Car finalement, si "Django Unchained" est bel et bien son meilleur film aux côtés de ses deux "Kill Bill", c'est peut-être tout simplement grâce au contexte historique de son film. En 1858, le cinéma n'existait pas. De ce fait, Tarantino ne peut plus tricher. Ne peut plus s'autoriser toutes les références cinéphiles comme le jeu du post-it de "Inglourious Basterds" ou les discussions autour d'un verre entre copines sur "Point Limite Zéro" de "Boulevard de la Mort". Cette contrainte, le cinéaste l'a digéré. L'a compris. L'a transformé pour le meilleur en se préoccupant de sa forme artisanale et de la puissance de ses images (celle du cadavre de Schultz auquel Django adresse un "auf wiedersehen" ou bien le flash-back final sont des sommets d'émotion) et de son libre récit au service d'une aventure aussi personnelle que la quête vengeresse de Django Freeman. De ce film humble mais si puissant découle une source de joie terrifiante et palpitante qui caractérise tout le meilleur cinéma du monde, et surtout celui de Quentin Tarantino, un cinéaste qui ne cesse de porter à incandescence le spectateur vers un point de non retour tout à fait fantastique depuis "Reservoir Dogs" et d'offrir à tous une leçon de mise en scène à chacun de ses opus.

Créée

le 17 janv. 2013

Critique lue 590 fois

Marty Lost'evon

Écrit par

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