Qui ne s'est pas laissé tenter aux plaisirs du corps en solitaire devant cette superbe séquence introductive? Cette fabuleuse silhouette féminine qui se trémousse sur un rythme secoué, passant d'une couleur chaude à une froide.


C'est marrant. Je viens de revoir le film. Je me suis fait une opinion, une interprétation personnelle, et en lisant les autres critiques, j'apprends que j'ai tout faux (du moins par rapport à ce que le réalisateur aurait voulu que je perçoive). La phrase choquante qui revient le plus souvent: Spike Lee aurait dit que seuls les noirs pouvaient comprendre son film... Un discours bien sous l'influence de Malcolm X (avant sa reconversion pacifique en fin de vie). A vrai dire, en lisant sa note d'intention j'ai alors compris pourquoi cette seconde citation clôt le film, citation qui me semblait malvenue selon MON interprétation.


Alors moi ce que j'en avais compris, c'est que le racisme et la violence que ce premier engendre, sont absurdes car ça part souvent de rien si ce n'est un à priori. Ici l'à priori comme quoi Sal serait raciste juste parce qu'il n'a pas mis de photo de célébrité noire. Et je trouvais intelligent d'inverser les rôles, de montrer ce racisme via un comportement reprochable des noirs et non des blancs. Un peu comme pour dire que le racisme c'est pas juste un truc de blanc. Tout le monde peut tomber dedans. Et c'est mal, peu importe qui le prône. Avec une telle interprétation, pas étonnant que je ne comprenne pas pourquoi Spike Lee dit, au travers d'une citation de Malcolm X, qu'on a le droit d'user de violence si c'est pour se défendre (et donc mettre à feu le resto). Puis toutes ces citations découvertes me perturbent. Spike Lee se montre lui même raciste avec un tel discours 'les blancs ne peuvent pas comprendre mes films' , 'Clint Eastwood ne peut pas faire des films sur les noirs (Bird)' , ... Je me tiendrai donc, car c'est mon droit de cinéphile, à MON interprétation, bien plus sympathique je trouve, et je tenterais de zapper cette dernière citation du film.


A part ça, puisque la critique morale ne prédomine pas dans ma note, je dirai que la mise en scène est très inspirée. Ce film, finalement, c'est le Shortcut version Spike Lee. Des personnages et leurs histoires qui s'entrecroisent, s'entre-mêlent, le tout sublimé par un élément naturel (le séisme dans Shortcut vs la chaleur abominable ici). Tout l'ingéniosité créative de Spike Lee se retrouve dans ce film. Après, il ne fera plus que reprendre des procédés de ce film (je pense notamment à la scène devant un miroir dans the 25th hour ou l'ambiance estivale dans Summer of Sam). C'est un peu dommage dans le sens où il aura accouché de SON film si tôt dans sa carrière. Je n'ai pas tout vu, mais le reste me semblait soit une redite, soit superficiel.


Mais donc de ce film, on pourra retenir un montage intelligent qui permet de parfaitement rythmer son histoire, et de monter ainsi en crescendo jusqu'au climax; on peut également y voir des passages où des personnages 'cassent le mur', des mouvements caméra plutôt bluffant, des compositions intéressantes, parfois très graphiques notamment quand il explore la sensualité.


Le scénario, sous des allures de simplicité, se révèle extrêmement intelligent et compliqué; en effet, il en faut du talent pour ne pas ennuyer le spectateur et glisser subtilement dans l'inconscient l'objectif et les conflits du récit. Sous cette impression de vie de rue, une grande trame dramaturgique a lieu, avec des rivalités, des affrontements, des amitiés, des traîtrises,... Les dialogues jouent un rôle important; ils sont drôles mais cachent un certain pessimisme. En fait, le film fait rire énormément. Et puis arrive cette scène de l'incendie qui ne fait plus rire du tout. Le sujet devient grave. Et c'est parce que Spike Lee implique le spectateur avec légèreté en début de jeu qu'il peut après le malmener avec de la sordidité.


Bref, Do the Right Thing est un excellent film sur le point de vue formel. Le fond, par contre, me déçoit un peu quand j'entends la volonté du réalisateur, mais si je fais abstraction de cela, j'adhère. Dans tous les cas, je recommande ce film pour son ambiance et son montage.

Fatpooper
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le 13 mars 2012

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Fatpooper

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