Depuis 14 films en 8 ans, Marvel Studios s’impose une nouvelle fois dans le cinéma à grands spectacles avec Doctor Strange. Tout comme le nouveau logo, qui prêche une volonté propre du studio de vouloir s’éloigner des comics et ainsi imposer sa marque de fabrique fièrement en construisant son propre univers, Doctor Strange a sur lui un énorme poids : celui de faire changer l’opinion générale qui tend vers une saturation du genre super héroïque. Bien que le public soit au rendez-vous pour chaque nouvelle sortie des écuries Marvelliennes et de Warner / DC, les spectateurs sont de plus en plus nombreux à être lassés des films identiques, suivant un schéma narratif prédéfini à la lettre. Pour Marvel Studios, Doctor Strange devait donc relever ce défi. Pour cela, il fallait réinventer l’origin-story qui avait si bien fait ses preuves avec Iron Man, en affirmant un style unique dans la mise en scène et dans le visuel. Afin de rendre cela réel, Scott Derrickson est appelé à la barre. Plutôt fiché dans la catégorie horrifique, Marvel Studios surprend un peu dans son choix (même si bien d’autres réalisateurs de films de super héros avaient autrefois fait des films bien différents –que ce soit James Gunn et ses parodies horrifiques ou David Ayer et son film de guerre Fury-). Au niveau du casting, Marvel mise gros, et empoche non pas un mais quatre génies du cinéma, à savoir Benedict Cumberbatch, Mads Mikkelsen, Tilda Swinton et Chiwetel Ejiofor. Avec un petit bonus en la personne de Rachel McAdams. Du coup, on était en droit d’attendre quelque chose de gigantesque de ce nouveau bébé Marvellien.


Impossible de tourner autour du pot : les effets spéciaux sont grandioses. Ils forment le point le plus positif du film, qui propose des séquences vertigineuses et complètement délirantes dans lesquelles les personnages vont devoir faire face à l’environnement qui devient une vraie menace. Et ça donne lieu à des scènes d’action maîtrisées et diaboliquement efficaces, même si les enjeux ne sont pas forcément présents. Rien que la scène d’ouverture, qui à elle seule distille plus de violence que n’importe quelle autre des précédents films, est monstrueuse de beauté visuelle, avec des décors « à la Inception » qui servent à booster l’ingéniosité du film. En moins de deux heures, le film passe évidemment très vite, d’autant que les scènes d’action sont généreuses, et représentent une bonne partie du film. Heureusement, celles-ci sont bien filmées, bien chorégraphiées, et réussies esthétiquement. Visuellement parlant, Doctor Strange est un sans faute. Même s’il exagère peut être un peu trop dans le mysticisme de certaines scènes avec notamment des couleurs exacerbées au possible et décrédibilisant peut être


le méchant final


, le métrage a le mérite de ne pas rester sobre dans sa mise en scène. A contrario d’un Civil War ou d’un Winter Soldier, Doctor Strange n’abhorre jamais cette esthétique terne, grise et sombre adoptée par bien trop de films de super héros depuis son initialisation dans la trilogie de Nolan. On peut évidemment faire une comparaison avec Les Gardiens de la Galaxie, qui lui aussi divergeait esthétiquement de ses prédécesseurs, sans pour autant proposé un visuel sidérant. Ainsi, Doctor Strange est en bien des façons le Marvel le plus abouti dans son visuel, gros point fort du film, décuplant et renforçant les scènes d’action.


En plus d’une esthétique remarquable, Doctor Strange est affublé d’une réalisation pertinente et juste, qui jamais ne se limite à une simplicité visuelle accablante, comme le sont certains films Marvel. Ici, les scènes sont diaboliquement efficaces. Ainsi, l’accident de voiture de Strange est axé sur le réalisme, sans forcer sur le trop grand spectacle de l’accident (hormis un petit ralenti). On retrouve aussi quelques petits jumpscares sympathiques qui prouvent la présence assurée de Derrickson dans la réalisation de son métrage. Même dans ses moments les plus durs, Doctor Strange garde toujours une fraîcheur et une dynamique bienvenue au cours du film, agrémenté de couleurs diverses et variées qui se démarquent réellement. Au final, ce que l’on peut sûrement retenir de mieux dans Doctor Strange, c’est tout ce qui concerne le visuel. La mise en scène est efficace et les effets spéciaux le sont encore plus. Dans un but d’en mettre plein la vue au spectateur en présentant la magie chez les super héros, l’action s’enchaîne parfois un peu vite, sans que l’on puisse pleinement profiter de l’expérience que propose le film. Toutefois, rien ne saurait gâcher véritablement le plaisir de voir un visuel abouti, et qui vient vraiment déposer une claque aux éternels haters ne jurant que par la flegme de Marvel Studios dans ses projets.


Une fois de plus, Kevin Feige &co ne sont pas trompés dans le choix des acteurs. Benedict interprète diaboliquement bien l’égocentrique Strange. Le film est d’ailleurs surprenant dans le récit de son protagoniste, puisqu’il se permet de présenter le héros sous des aspectes négatifs, dans la mesure où il est en effet plein d’arrogance et d’égoïsme. Cela permet de s’attacher peut être plus au personnage, puisqu’il ne prouve qu’il est humain en abhorrant des défauts. Cumberbatch nous fait indéniablement penser à Robert Downey Jr, les deux s’imposant à l’écran par leur charisme incroyable, et nous rend encore plus impatients de les voir ensemble prochainement. Doctor Strange ne tombe pas dans la facilitée dans la mesure où son personnage principal n’est pas soudainement guéri de ses défauts en plein milieu du film afin de pleinement endosser les responsabilités des pouvoirs qu’il utilise. Ensuite vient Mads Mikkelsen, et encore une fois Marvel déçoit dans son vilain. Pourtant difficile voire inconcevable de pouvoir voir une grande star en retrait dans un film, Mikkelsen est la nouvelle cible de Marvel Studios, qui se paye le luxe d’avoir un acteur grandiose et pourtant gâche un énorme potentiel en ne lui offrant qu’un rôle mince et peu flamboyant. Encore une fois, le méchant est une excuse pour présenter le héros et le voir user de ses pouvoirs. Encore une fois, le méchant n’a de méchant que son look (bon, le jeu de Mikkelsen vaut quand même le détour). On a un peu l’impression de lire des comicbooks des années 60, la plupart étant des one-shots où les méchants s’accumulaient et formaient tous une pathétique fresque de méchants sans envergure.


Alors qu’ici le potentiel est sans fin, le film s’abaisse à relayer Mads comme un sous-fifre d’une entité supérieure, bien connue des fans. Après Ronan, Loki et d’autres, c'est au tour de Kaecilius. Bien sûr, voir Dormammu était et est toujours un rêve assez fou pour tout fan de comics. Considéré comme LE grand ennemi de Doctor Strange, il est sans nul doute l’une des plus terrifiantes menaces, lui et sa dimension noire. Néanmoins, la présence de Dormammu est un échec cuisant. Certains parlent d’une corrélation entre lui et Thanos, comme quoi les deux seraient en fait un, mais moi je ne vois qu’une tête violette géante qui se fait mettre minable en quelques secondes par Strange. Pourtant une idée clairement originale et amusante, la fin manque cruellement d’enjeux et d’une réelle menace qui serait de taille au seul nom de Dormammu.


A la suite de cela se rajoute Tilda Swinton. Bashée pour incarner le rôle de l’Ancien, un homme asiatique dans les comics, l’actrice européenne s’en sort toutefois très bien dans son rôle qu’elle parvient à maîtriser.


C’est dans son personnage, d’ailleurs, que l’on trouve une surprise assez osée de la part des scénaristes, qui la font décéder le temps d’un film seulement, même si sa mort reste à être confirmée.


Vient ensuite Chiwetel Ejiofor dans un Baron Mordo loin des comics (encore une fois) mais surpassant le ‘modèle’ d’origine. A la place d’être rabaissée à être l’ennemi et rival de Strange (c’est plus Kaecilius qui détient ce rôle), Mordo prend plus la place d’un mentor, et c’est une bonne chose. Bien que présent dans de nombreuses séquences, Mordo n’arrive tout de même pas à s’imposer dans cette rivière d’acteurs étoilés. Enfin, Benedict Wong créé de toutes pièces un Wong moins attachant mais plus crédible que dans les comics, et Rachel McAdams se voit être au centre d’une love interest un peu déplacée mais qui ne gêne pas forcément le fil de l’histoire.


Si du côté de la réalisation et des acteurs, tout va pour le mieux, il n’en va pas de même pour le scénario. Pour commencer, la durée du film est un problème, dans le sens où elle ne permet pas d’approfondir l’arrivée de la magie chez Marvel. La durée est trop courte, et ça se ressent un peu trop. Néanmoins, Doctor Strange est la clé qui ouvre de nombreuses portes pour Marvel. L’apparition du multivers est une chose incroyablement gigantesque et peut permettre de nombreuses choses pour le futur de Marvel Studios. La présence de réalités alternatives permettrait en effet de recaster les acteurs les plus chers du moment après une mort hypothétique dans un futur film, suivant ainsi la recette des comics actuels. De plus, Doctor Strange ouvre la porte à la dimension noire, à la dimension miroir, au plan astral, aux nombreuses reliques –dont cette cape pensante, bonne idée- … Comme vous pouvez le constater, Doctor Strange avait peut être les yeux plus gros que le ventre en voulant nous présenter le monde si vaste de la magie et du multivers, qui pourra en perdre certains. Du côté de l’humour, c’est encore quelque chose d’assez dérangeant chez Marvel. Si Doctor Strange adopte un ton général plus sombre que la majorité de ses prédécesseurs, la présence de blagues et de touches humoristiques ne passera pas inaperçu. De plus, une nouvelle fois le nouveau bébé de Marvel Studios adopte quelques faux pas scénaristiques assez importants.


Pourquoi Stephen garde-t-il l’œil d’Agamotto après l’avoir utilisé la première fois ?


Ce n’est qu’un point parmi d’autres. Hormis cela, le reste fonctionne plutôt bien. L’origin story est un processus, certes peu novateur, mais qui permet pas mal de choses, et c’est une bonne chose.


Du côté des références, Doctor Strange en parsème quelques unes qui vont faire sourire quelques fans, en passant par


Daniel Drumm, le tribunal vivant, la pierre d’infinité (qui permet ainsi le rattachement aux autres films Marvel et la raison de sa future apparition dans Avengers : Infinity War), le caméo de Stan Lee etc… Les deux scènes post-génériques sont intéressantes. Si la première fait une jolie pub’ pour Thor Ragnarok, la seconde présente Mordo comme un futur vilain d’une suite hypothétique, ce qui serait franchement stupide. Ils avaient réussi à faire de Mordo un mentor intéressant. En faire un énième vilain de seconde zone serait désolant.


Du côté de la bande originale, Marvel Studios avait tiré le gros lot en la personne de Michael Giacchino. Si certaines musiques sont très belles, impossible néanmoins de s'en rappeler.


Doctor Strange ne révolutionne le genre super héroïque qu’en ses effets spéciaux, diaboliquement efficaces, qui en mettent plein la vue et qui renforcent une réalisation prenante et adéquate. Porté par un casting cinq étoiles, le métrage ne se perd qu’en son vilain au niveau des personnages. Le scénario quant à lui n’est pas assez innovant pour pouvoir affirmer l’originalité de Doctor Strange. Cependant, rien de bien dérangeant ne vient jeter la lassitude au film. Benedict Cumerbatch incarne à la perfection le docteur. En ce sens, Marvel Studios a sans aucun doute trouvé son successeur charismatique à Robert Downey Jr. Malgré une sensation d’être laissé sur notre faim, le film est une belle surprise, et confirme que Marvel Studios est toujours de la partie !


N’allez surtout pas voir Doctor Strange en VF…

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le 6 nov. 2016

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Marvellous

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