Dogman
7.1
Dogman

Film de Matteo Garrone (2018)

Gueule. Le film s’ouvre, sur la gueule d’un pitbull nacré aux crocs saillants, menaçants. Face à lui, Marcello, toiletteur. Ses armes pour dompter la bête, patience et affection. Dans sa boutique crasseuse, Marcello choie chiennes et chiens. Derrière les mêmes barreaux, ils sont tous égaux. Marcello, emmuré dans cette cité à l’abandon, vestiges d’un passé que les touristes animaient et finançaient. Mais cette Italie là, n’est plus à la mode. Des longues barres d’immeubles s’étiolent comme une gencive en perte de crocs. Une autre forme de cage.


Marcello a plusieurs amis. Plusieurs maîtres. Il est docile, son œil humide toujours demandeur de caresse. Dans le quartier, on l’apprécie, il est discret, fidèle. Croisement entre un carlin et un chihuahua, il n’a d’yeux que pour sa fille et de truffe que pour la coke. Malgré tout, il reste en laisse, attaché à son commerce, dans ce lieu qui le cloue et l’élève.


Puis il y a Simon. Sortie de prison, de fourrière. Sûrement pour morsures. Simon, la fusion dégénérée du pitbull et du buldozer. Crâne épais, poil dru, babines toujours retroussées, crocs toujours enclin à déchirer. Il marque son territoire d’une empreinte funeste. Dans ce chenil à l’abandon, il se veut nouvel alpha. Marcello s’abandonne dans son ombre, par lâcheté, par abandon. Dans l’espoir d’autres lendemains. Quand la fidélité vacille. Marcello qui n’a jamais su montrer les crocs. Il s'aplatie, se soumet.


Mais même le plus inoffensif des toutous peut mordre. Quand son maître le trahit, le rejette. Alors il est temps pour Simon de retourner en cage, appâter par la truffe, par la poudre. A l’horizon, une fugue se dessine. Une fugue écarlate. Simon, l’ancien mâle dominant, dominé par Marcello le nouveau maître. Le maître, celui qui tient la laisse, une chaîne infaillible, à bout de souffle. Comme un trophée, comme un bâton qu’on rapporte, Marcello traîne la carcasse de Simon vers ses anciens maîtres. Mais dans la cage commune, ils ne courent plus après la balle, ils ont oublié jusqu’à sa présence, son odeur. Alors le regard s’éteint, les babines s’affaissent, les crocs s’effacent. Ne reste qu’une ligne d’horizon et une gueule. Gueule.

Alyson_Jensen
8
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Créée

le 17 janv. 2019

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Alyson Jensen

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