Après le succès surprise de La Nuit du 12, Dominik Moll poursuit sa dissection des services de police et investit les services de l’IGPN, en pleine surchauffe lorsque les plaintes pour violence policière affluent à la suite des manifestations des gilets jaunes.
Plus encore que pour le film précédent, le cinéaste renoue avec un cinéma à l’ancienne, pour un film dossier qui se voudrait exhaustif, documenté et polémique. L’enquête menée par le personnage de Léa Drucker déplie les récits, remonte les sources et tente, avec difficulté, de transformer la matière première violente, spontanée et incontrôlée des comportements en faits justiciables.
Le film assume de ne procéder qu’à un zoom au sein d’une situation complexe et chaotique. La question qu’il pose, très simple, est celle du rapport à la loi de ceux qui la représentent, et qui devront rendre des comptes en cas d’écart. L’enquête, précise, multiplie les angles et les témoignages, par un montage alterné assez efficace opposant les divers interrogatoires à la réalité embarrassante des faits. Chacun se dédouane, explique, justifie, esquive, comme s’il s’agissait déjà d’une bataille rhétorique au sein d’un prétoire.
C’est là le principal intérêt du film, qui met au jour les remous intérieurs d’une investigation délicate, dont les hautes sphères s’emparent rapidement pour étouffer le scandale. À l’heure où les « révélations » sont devenues le lot commun des réseaux sociaux, où des images brutes et décontextualisées empêchent le rapport à la vérité des faits, le film oppose cette lente déconstruction, la parole, la reconstitution et la confrontation aux contradictions.
On pourra regretter tout le remplissage qui entoure cette ligne directrice, que ce soit dans les péripéties annexes (la poursuite du témoin dans le métro, le harcèlement au supermarché…) ou les échanges dissertatifs les différents partis, représentés caricaturalement par l’ex, sa petite amie ou l’enfant. Comme s’il fallait forcément passer par ces ingrédients, concessions frileuses pour éviter le documentaire brut que constitue le cœur du sujet.
Car c’est bien cette brutalité des faits qui reste en mémoire lors de cet épilogue où les manœuvres et le culot cynique convoquent la « déontologie » et l’exemplarité pour justifier d’enterrer l’affaire. Les images continuent d’affluer, comme celles, depuis, de Sainte-Soline, et on espère qu’elles pourront subir un tel traitement à froid, dans l'effrayante vérité des faits.
(6.5/10)