Et ça n'a rien de drôle.

Jamais je ne pensais rire de Dune.

Une des forces du livre était de montrer que notre fascination pour les mythes héroïques avait des tenants et aboutissants malsains, qu'un héros nous dépossède l'esprit puis ensuite notre libre-arbitre.

Ce propos est adapté dans le film mais mis en dérision, les Fremen sont caricaturaux, la palme revient à Stilgar auquel Villeneuve lui colle carrément une réplique des Monthy Python, si si, d'une scène de la Vie de Brian. (on peut voir en beaucoup d'autres scènes des redites de la Vie de Brian), Villeneuve nous fait moquer le cheminement de Stilgar pourtant d'une grande puissance dramatique.

Petite mention à la scène comique où il parle de sa crainte des djinns, la salle n'a pas trop ri.

De plus Villeneuve crée un camp de Fremen sceptique (Fremen du Nord) auquel on s'identifiera naturellement.

Frank Herbert disait : « J'ai écrit la série Dune parce que j'avais cette idée que les dirigeants charismatiques devraient porter une étiquette d'avertissement sur le front : Peut être dangereux pour votre santé. ». Il nous le faisait comprendre en nous le faisant ressentir, en montrant comment on pouvait être facilement séduit par le pouvoir attractif d'un héros, et en incluant tout le monde, là Villeneuve le montre avec une minorité déjà préalablement manipulé.

Avec cet adaptation on ne le ressent donc pas forcément, on se contentera de pointer du doigt les "Fremen du Sud" avec peur ou en rigolant, d'ailleurs parfois nommés fondamentalistes histoire d'être sûr que le spectateur se rassure donc, il n'est pas concerné ! Le danger qu'on ressent c'est donc l'obédience de certains groupes, mais à aucun moment contrairement au livre on se sent en tant qu'être humain inclus dans la dénonciation, alors que c'est le cas, les mythes héroïques fascinent l'humanité entière peu importe l'époque ou la culture. Beaucoup verront en ce film une simple critique des religieux, et même de l'Islam en particulier alors que non ça s'adresse à l'humanité, mais c'est la conséquence de la dérision, on va moins identifier le processus même mais plutôt juste un groupe de personnes et au final le film nous met surtout en garde qu'il existe des manipulateurs et des manipulables pour les écouter.

Et le fond impacte malheureusement la forme.

Car oui cette deuxième partie se veut épique, sauf que comment trouver épique des guerriers que le film a rendu parfois ridicule ? Quand bien même que le combat est impressionnant ?

On est loin du coup de l'entrain qu'apporte la charge dans Le Retour du roi, puisque là on est pas entrainé dedans, le film nous a trop lourdement détaché de ces soldats.

Il y a quelques changements de personnages qui ne seront perçus que par les lecteurs, que je trouve plutôt neutre par rapport au livre dans le sens où je ne pourrais m'exprimer en disant que dans le film c'est mieux ou bien le livre c'est mieux, SAUF pour le personnage de Chani. Car oui elle change beaucoup en intégrant ce camp inventé par Villeneuve des Fremen sceptiques, sa relation avec Paul devient tout de suite bien plus intéressante que dans le livre (qui était juste une amourette assez simple).

Néanmoins, compte tenu du fait que Villeneuve a l'ambition d'adapter Le Messie de Dune, il va devoir effectuer quelques changements sur la structure du Messie de Dune qui repose sur un amour passionnel des deux, en tout cas y'a moyen que ça soit encore plus poignant et tragique que dans le livre. Si le pari n'est pas réussi alors on se dira peut-être "Oui bah c'est juste salaud".

Et parlons en de ce salaud, vu que le livre veut plutôt dénoncer notre fascination que les héros, Paul est passif et globalement enchainé dans la trame qu'il a, c'est même d'ailleurs précisé à chaque fois qu'il affronte la mort, si effectivement il aurait trépassé ça n'aurait rien changé au destin de l'univers, la fascination pour lui (même mort) le ferait à sa place, le mythe du héros lui-même était en quelque sorte l'antagoniste et d'une irrémédiable fatalité. Là où dans le film il a un rôle plus actif, ce qui se comprend c'est beaucoup plus cinématique qu'un personnage qui se bat que contre des pensées, mais là aussi certains se contenteront de juste LE pointer du doigt, dommage.

Certains personnages clés du romans sont absents mais cela n'impacte pas trop le récit, beaucoup de lecteurs en seront surement très déçu mais moi j'ai même préféré une action qu'aurait dû faire un personnage absent du récit soit du coup remis à Paul. Mon plus gros reproche à ce sujet c'est l'absence total de Thufir Hawat qui pourtant a tourné de nombreuses scènes, quitte à enlever un personnage du récit moi j'aurais plutôt choisi d'enlever Margot Fenring incarné par Léa Seydoux qui n'apportent rien du tout à mes yeux de lecteur (toutes ses scènes ne correspondent à aucun passage du livre).

La musique fait trop redite pour moi, c'est parfaitement illustré dans la scène du chevauchement du Ver, disponible sur Youtube vous pouvez juger par vous même. Et du coup je la trouve un peu inapproprié, car dans la partie 1 ça marchait beaucoup pour de la découverte d'un univers, mais là l'univers est dompté, je ne saurais trop m'exprimer davantage je ne suis pas un expert en musique mais je m'attendais à un changement, cependant le thème le plus marquant reste néanmoins celui de l'amour entre Paul et Chani, qui apporte beaucoup de tendresse dans ce monde aride. (tapez A Time of Quiet Between the Storms pour l'écouter sur youtube)

L'univers en lui même de Dune parait un peu plus réduit que dans la première partie car le seul ordre que l'on parle c'est celui des Bene Gesserit, absence total de la CHOAM et de la Guilde Spatiale qui pourtant n'aurait pas couté grand chose en exposition, surtout que le film s'ouvre avec une phrase qui dit globalement que l'épice contrôle tout, et bien si vous n'aviez pas lu livre vous ne sauriez toujours pas pourquoi arrivé au générique de fin. Ce qui est dommage car ça aurait accentué l'enjeu du contrôle d'Arrakis qui effectivement est un enjeu de domination à l'échelle interstellaire bien que ça soit qu'une planète.

Car pour résumé l'enjeu : sans épice pas de voyage dans l'espace, et donc la guerre avec un camp qui contrôle l'épice face à un camp qui n'en possède pas relève plus de l'extermination pure et simple que d'une simple guerre, car le camp qui possède l'épice peut envahir les autres planètes alors que les autres eux sont coincés sur leurs terres.

(!!!SPOILER SUR LA FIN!!!)

Et du coup renforcer l'impact dramatique de la fin, car le spectateur va juste s'imaginer une continuation de ce que la guerre du film a montré, alors que non ça va juste être un énorme massacre unilatéral, des dizaines de religions et de planètes "stérilisés", alors que dans le film la salle a carrément rit, ne prenant toujours pas au sérieux les Fremen.

Bon points : le design global de l'univers toujours aussi marquant, les scènes d'actions parfois dantesques mais surtout continue de montrer un arsenal jamais vu ailleurs dans d'autres films, en continuation de la partie 1, mention spéciale aux lasers du film je n'en ai jamais vu filmé de la sorte. Villeneuve aussi frappe l'esprit lors de visions d'horreurs bien que dénués de gore il réussi vraiment à crée l'effroi, je mettrais un petit bémol cependant à certains effets qui accuse la baisse de budget dans ce second opus, notamment quand les Fremen voyagent sur les Vers. Et la performance des acteurs, surtout pour Paul, il réussit le défi de s'imposer à l'écran malgré son air chétif face à des Fremen endurcis par le désert, c'était quelque chose de lire sur le papier mais tout un défi de le faire fonctionner en image, et pour moi c'est triomphale !

En conclusion Villeneuve a compris le fond du livre, c'est certain et il a voulu bien le transposer mais malheureusement pour moi dans l'exécution il s'est raté, il a décidé de montrer les messages du livre en le transposant sur des personnages en usant de la caricature et la dérision, ce qui réduit fatalement la portée de l'œuvre. Sans doute influencé par les critiques de la première partie qui voyait qu'un mythe du héros basique, alors il a voulu être très explicite, c'est bien ces gens là seront contents du "twist"... "Rolala on l'a pas vu venir celle là" Oui et cette cécité est bien le problème que Frank Herbert dénonçait, y'avait une carte à jouer mais Villeneuve a choisit de le rendre très apparent vous n'y verrez qu'un twist, et du coup vous êtes restés aveugles.

NB : J'édite régulièrement cette critique car je l'avais écris initialement à chaud et plutôt en colère (j'avais mis 3/10), mais une fois la déception passé je lui reconnais de plus en plus ses qualités. Mon désaccord est surtout basé sur le ton dont il aborde les sujets, j'approuve quand même le fond et la forme ça va finir par le devenir, en tout cas je me rends compte que j'ai de plus en plus envie de le revoir et qu'il se transforme de plus en plus en grand film dans ma tête de fan (ça se voit à ma photo que je suis fan), j'ai même envie de supprimer ma critique et d'en refaire une beaucoup plus positive pour tout vous dire mais néanmoins je tiens à laisser graver ici cette première impression négative que j'ai eu.


NB 2 : Après l'avoir revu 4 fois je peux dire que j'apprécie grandement le film, nonobstant je garde mes critiques sur la vulgarisation des propos du livre que je trouve toujours un peu brute.

Fromage-Baguette
5

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le 13 févr. 2024

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