On le sait, c’est sur la longueur que se juge la qualité d’une trilogie. Celle dédiée à Dune, d’après l’œuvre de Frank Herbert, a pu déjà se targuer d’avoir une belle ouverture, avec ce premier opus construisant patiemment un univers aussi foisonnant que passionnant. Une réussite qui rend l’exercice de la seconde partie d’autant plus difficile, car il s’agit cette fois-ci de prolonger et renouveler l’excellence entrevue, sans pouvoir prétendre à la glorieuse conclusion promise au dernier chapitre. Pour contourner l’obstacle, Villeneuve s’adonne alors à l’art du contre-pied : moins d’alcôves et d’intrigues de cour, plus de grand spectacle, plus de désert pour, peut-être, plus d’êtres humains...
Le désert, chez lui, n’est d’ailleurs pas un univers anodin. Présent dès Un 32 août sur terre, il est le terreau fertile à toute une symbolique sur la vie et la transformation de soi : un lieu de mort, aride, mais où la vie persiste malgré tout, où l’humain résiste et se révèle. Voir l’individu en gros plan, au fin fond du cosmos, au milieu du désert, voilà l’objectif affiché d’un film qui commence fort logiquement par des plans intra-utérins et la vision d’un fœtus convoquant évidemment 2001 : L’Odyssée de l’espace : on passe du macrocosme au microcosme, pour quêter cet individu et guetter ce qu’il a de prophétique.
Dune : deuxième partie change ainsi son regard pour moins se porter sur un monde que sur ceux qui le font. Que ce soit l’esthétique, la colométrie ou les décors, tout est travaillé pour façonner une atmosphère intimiste et introspective : si on poursuit l’exploration de la culture Fremen ou Harkonnen, l’approche est constamment humaine, diffusant l’idée que tout peut se voir ou se percevoir à hauteur d’homme. Bien que le film peine à trouver l’ampleur escomptée, à cause d’un scénario qui ne creuse pas suffisamment ses personnages et d’acteurs dont la présence est parfois inhibée par le rôle (on notera quand même les solides prestations de Rebecca Ferguson et d’Austin Butler), la caméra attire toujours notre regard en se faisant sensuelle, charnelle, épousant les sensations folles induites par l’épice : on se raccroche au corps, à sa chair, aux bouées tangibles et sensibles, pour ne pas sombrer dans les sables mouvants de l’esprit et de l’ambiguïté spirituelle.
Et pourtant le vertige est là, causé par d’audacieux partis pris esthétiques et sonores, comme lors de ces scènes de bataille mettant aux prises d’immenses vers des sables, ou encore lors de cette séquence dans une arène en N&B, où la lourdeur de l’architecture fait écho à la dureté des hommes. Pas d’esbrouffe ici, car le cinéaste raccroche ces instants à un discours sur le lien au pouvoir, sur ce qui rend la domination politique possible. Le spectacle ainsi, aussi explosif soit-il, souligne de jolies intentions réflexives : à travers la politique et la religion, Dune : deuxième partie questionne le fanatisme et l’ambition, mettant en lumière les froides mécaniques utilisées par certains pour en dominer d’autres...
En dépit de parallèles parfois appuyés à l’encontre de l’actualité politique, Dune : deuxième partie parvient à initier des réflexions bien plus sombres qu’il n’y paraît, abordant notamment une multitude de sujets graves et sensibles (les génocides, le fondamentalisme, les désastres écologiques...). Œuvre de divertissement avant tout, le film se montre habile dans la réappropriation des codes afin de rendre floues les frontières entre Bien et Mal (quels sont, au fond, les grands méchants de l’histoire ?), renforçant ainsi un peu plus son pouvoir de fascination.
(7.5/10)