A l'heure où les blockbusters ne riment plus qu'avec super-héros, on ne peut bouder son plaisir devant ce film grand spectacle old school. Exit donc les déferlantes d'effets spéciaux numériques à tous les plans, retour aux centaines de figurants, aux décors naturels, aux vrais navires et avions de guerre... sans pour autant que bouder les nouvelles techniques pour nous offrir une immersion jamais vue avec des plans au plus prêt de l'action (notamment une hallucinante bataille dans les airs). Un parti pris technique difficilement discutable, tant il permet de gagner en authenticité, aujourd'hui trop oubliée à une époque aveuglée par les possibilité du numérique.


Le côté old school se retrouve aussi dans l'angle que choisit Nolan pour filmer la guerre. Loin de la tendance actuelle où le cinéma semble vouloir appréhender l'horreur des batailles de manière frontale (d'Il faut sauver le soldat Ryan au récent Tu ne tueras point), Nolan se refuse à filmer une goutte de sang et choisit une reconstitution historique à la portée de tous, y compris les âmes sensibles. Nous voici donc revenu au temps des films à grand spectacle (quasiment) tous publics.


Mais on doutait fort de voir Nolan ne pas se réapproprier le genre. Le voici donc se lançant dans un périlleux exercice de style qui allie le film grand spectacle à la narration épurée, loin, très loin, de l'habituel romanesque de ce genre d'entreprise. Les explications sur la situation historique se résument donc à quelques cartons en début de films et à quelques dialogues entre les officiers. Pour le reste, Nolan aborde ses personnages sous l'angle de l'anonymat du champ de bataille et de la quête de survie. On ne saura donc rien du passé des personnages et on les découvrira (et s'attachera à eux) au fur et à mesure de l'action, tout comme les liens entre les personnages se tisseront par la force de la lutte. Les individualismes de chacun finiront par se rejoindre en un mouvement commun qui sauvera la vie de près de 350 000 soldats.


Nolan appose également sa touche avec son montage en parallèle de trois unités distinctes de temps et d'espace qui se percuteront à plusieurs reprises avant de ne faire plus qu'une, permettant ainsi au film de se rapprocher d'une structure classique avec climax. De même, la structure narrative passe énormément par la musique de Zimmer, qui colle au plus prêt des images du début à la fin.


Dunkerque se place ainsi clairement dans la continuité du travail de Nolan, par son savoir faire et sa volonté permanente de réinventer les genres auxquels il s'attaque. A la fois très classique par certains points et extrêmement radical par d'autres, son nouvel exercice de style pour le moins périlleux est une réussite.

Squizzz
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le 23 juil. 2017

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