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Circa 2012, trente ans après la sortie du film donc, mes petits cousins, des jumeaux âgés de sept ans, s'ennuyaient lors d’un repas de Noël en famille, du genre qui s’étire sur la journée. E.T. passait à la télévision à ce moment-là, et nous les avons donc mis devant. Les marmots étaient réticents : “c’est un film de vieux, c’est mal fait”. Au fur et à mesure que se déroulaient devant leurs yeux les aventures du plus sympa des aliens et de Elliott, à peine plus âgé qu’eux, la récalcitrance initiale se muait en un regard absorbé. Les voir pleurer à chaudes larmes alors qu’ils étaient confrontés à la mort du personnage, puis lancer des vivats d’encouragements lorsque celui-ci, ressuscité, était en course poursuite contre les agents du gouvernement. Puis les revoir pleurer au moment des adieux. Je regardais leurs visages plutôt que le film, comme un de ces reaction shots signature de Spielberg. Quel bonheur. Quelle preuve de l’universalité et de l’atemporalité de ce monument d’humanité qu’est E.T..
Mais du coup, trop occupé à la table des adultes et à scruter l’émerveillement poindre sur leur visage, je n’avais pas revu l'œuvre en question. Après tout, je la connaissais bien assez tant la VHS a pu tourner dans le magnétoscope quand j’étais moi-même bambin. Alors se replonger dedans aujourd’hui, dans un contexte global où un peu de joie et d’espoir est toujours bon à prendre, ne me paraît pas incongru.
Car E.T. est un monument de gentillesse et de bonté, bâti par l’un des plus grands conteurs du septième art, un message d’espoir qui rend possible la communication et la solidarité entre deux êtres que tout sépare. C’est cet esprit Amblin, créé là, qui explique en partie le succès du film et qui fait entrer le cinéma américain dans l’ère optimiste des 80s, succédant aux remises en questions souvent sombres des 70s et du Nouvel Hollywood. Spielberg continue ainsi de donner le tempo, et si certains lui reprochent son côté enfantin, à ceux là je dis : na !
Car comme l’a mis en lumière le récit autobiographique de Spielberg dans The Fabelmans, les aventures d’Elliott sont bien plus personnelles qu’on ne pouvait l’imaginer en 1982 sans connaître la vie du bonhomme. Cette histoire d’affrontement de la perte, celle du père sorti de sa vie suite à un divorce, en plaçant une créature bienveillante en père de substitution auquel il faudra également apprendre à dire au revoir, c’est celle de Steven. Celle d’un gamin qui ne voit que les autres enfants comme des égaux, à l’exception de sa maman, espiègle et infantile, et faisant donc partie de la tribu (on l’appelle d’ailleurs par son prénom dans la famille). Tous les autres adultes, G-Men et profs, ne sont que des silhouettes menaçantes ou des mains qui ordonnent. Car l’adulte a oublié l’important, le rêve. Comme chez Caro et Jeunet.
Tout le contraire de l’extraterrestre donc. Cette plante verte sur qui l’on projette des traits humains pour mieux l’appréhender (“It’s a boy” déclare Elliott avec aplomb, alors que Gerty l’habillera telle une poupée plus tard). Car comment, si l’on a pas l’âme d’un enfant, peut-on comprendre un être, un peuple, qui fonctionne par l’empathie la plus totale et ne peut survivre loin de ses congénères? Une simplicité du concept qui dépasse l’entendement du quadra névrosé par les tracas du quotidien. Au final c’est bien ça l’esprit Spielberg, Amblin, E.T. : l’intrusion de l’extraordinaire dans le banal du quotidien. Et ce n’est pas l’incroyable partition de John Williams, maître de cet art, qui me fera mentir.
Mais concluons sérieusement. Si la résurrection de E.T., qui sort de la caverne de sa chambre cryogénique dans un halo lumineux et vêtu d’une robe s’ouvrant sur son sacré-coeur rougeoyant pourrait bien évidemment faire penser à un certain M. Christ, n’est-ce pas le symbole d’autre chose? Lui qui possède des pouvoirs télékinésiques et télépathiques, qui est empreint d’une sagesse séculaire, et reconnaît en Yoda un ami, n’est-il pas tout simplement un maître jedi?