C’est un film que je regarde avec quelques décennies de retard et pourtant même si le grain de l’image a vieilli, si les décors en papier maché surannés intriguent, la magie opère. La film est conté et dès les premiers plans on est emmené à travers une histoire atypique qui débute dans une banlieue résidentielle aux couleurs pastelles. Aux allures oniriques des habitations aux ton verdoyant des jardins bien entretenus, s’oppose une face plus sombre : l’oisiveté et l’ennui de ses habitants désabusés.
Peg, VRP d’un produit de beauté pour le visage, réalise du porte à porte mais sans succès, elle décide alors d’aller dans ce château sombre et abandonné qui toise le lotissement. Dissimulé dans un recoin, elle découvre Edouard, jeune homme au teint pale et aux mains ciseaux qui vit seul et reclu. Attendri Peg le recueillera sous son toit avec sa famille.
Entouré de mystère, cet être mi-homme mi robot doté d’un cœur et d’une tête mais dont le créateur n’a pu finaliser la pose de ses mains d’homme révèle, derrière cet apparence troublante une douceur et une pureté touchante. Car tenu à l’écart de la société depuis son enfance, comme à l’état de nature, Edouard révèle une candeur, une inadaptation aux codes de la civilité comme à la morale des hommes. Cette candeur lui vaudra des moqueries, voire un rejet unanime d’une société aveuglée par ses propres tourments.
C’est autour de cette marginalisation que s’articule le film, il en décrit son caractère absurde et injuste. Car Edouard affrontera tour à tour la vengeance froide d’une femme rejetée, la jalousie virulente du petit ami de Kim, l’injustice de ne pas pouvoir contracter de prêt ou encore son désarroi quand il s’agira de décider quelle posture morale est la plus adaptée s’il retrouve une grosse somme d’argent. Ce qui est incroyable c’est qu’à chacune de ces scènes on est saisi par l’injustice voir le grotesque qui s’y joue.
Et finalement c’est en taillant la glace, aussi pure que le joyau qu’il représente, figer tout comme lui dans une posture que le temps n’atteint pas, loin des hommes, que le film s’achève.