N'allez pas voir ce film pour rire, c'est profondément grinçant. Il reproduit bien le jus numérique dans lequel nous baignons, ce qui a quelque chose de profondément déprimant et d'exaltant, comme toute prise de conscience. L'argument du film met d'ailleurs du temps à se mettre en place, avec Blanche Gardin qui veut retrouver le data center dans lequel est gardée une vidéo compromettante ; Podalydès qui tombe amoureux d'une opératrice téléphonique qui veut lui vendre des vérandas ; veuf, il doit aussi prendre soin de sa fille en phobie scolaire à cause d'une vidéo ; Corinne Maserio qui est conductrice VTC qui a besoin de booster ses notations. Ils cherchent un hacker. Podalydès et Gardin décident de prendre l'avion pour aller saboter le data center où sont détenues leurs données.
Le cadre matériel de nos trois héros, ce sont ces pavillons de résidences neuves déprimants, adossés à des rampes d'autoroutes, remplis de saloperies bon marché. Autour de la trame des données personnelles, on trouve énormément de petites notations sur la manière dont le numérique nous asservit : Poelvoorde fait une courte apparition en livreur Alimazon, Houellebeck en client du bon coin venu acheter une voiture diésel pour pouvoir se suicider.
Derrière, un constat amer : tout ce qui est posté sur internet est irrémédiablement donné. Le sermon du hackeur sur les données personnelles, prononcé du haut de son éolienne/repère (belle idée), est assez marquant. Il y a quelques scènes trash faites pour rester (le téléphone collé de Podalydès, Gardin qui hurle "My pussy is in the cloud !", cela dit le ton est bien plus souvent à la satire grinçante qu'à la franche rigolade. Ce film nous tend un miroir de nos ridicules, de ce que nous devenons, et le constat n'est pas réjouissant. Il y a même des moments touchants, comme lorsque le trio passe devant "son" rond-point et se souvient des débuts de gilets jaunes. Gros pincement au coeur.
Effacer l'historique est moins une comédie qu'un état des lieux de notre dépendance et de la vulnérabilité de nos données. Le film est un peu fastidieux, mais nous renvoie un reflet sans complaisance de ce que nous devenons.