Elio
6.4
Elio

Long-métrage d'animation de Madeline Sharafian, Domee Shi et Adrian Molina (2025)

Elio porte des promesses fortes que Disney cultive, désormais, (peut-être) sans passion

Qui est le film ?
Réalisé par Adrian Molina (co-réalisateur de Coco), Elio s'inscrit dans la lignée contemporaine des studios Pixar. Dès sa sortie, Elio porte des promesses fortes que Disney cultive, désormais, (peut-être) sans passion. À savoir, une différence : un personnage principal latino. Un terrain de jeu visuel à exploiter : une intrigue de science-fiction chorale, un nouvel outil technologique d’éclairage (“luna lighting”) et un drame explicite : une volonté affichée de parler aux solitudes enfantines.

En surface, Elio raconte l’histoire d’un garçon (copié sur la situation initiale de Lilo & Stitch) ne trouvant plus sa place sur terre. Cependant, Elio est animé par une passion : la vie extraterrestre et avec elle, la possibilité d'un ailleurs où il aurait une place. Son obstination et certains coups du hasard le conduiront à être accidentellement téléporté dans une assemblée intergalactique (la Communiverse) où il est pris pour le représentant de l’humanité.

Que cherche-t-il à dire ?
Elio cherche à déplier une idée : comment un enfant marginalisé peut-il devenir sujet dans un monde qui ne lui donne pas la place ? Le film repose sur une inversion structurelle : Elio, qui n’a ni force ni courage héroïque, est pourtant projeté dans un rôle de représentation absolue. C’est un “représenté” qui devient “représentant”.

Le film interroge aussi, plus discrètement, les dynamiques de reconnaissance : Elio n’existe qu’à travers le regard des autres, humains ou aliens. Il faut être vu, entendu, nommé, pour être. Pixar tente ici une fable sur la performativité des identités, des genres.

Par quels moyens ?
Dès les premières minutes, l'espace qui entoure Elio est filmée avec une froideur géométrique. Les lignes sont rigides, les couleurs ternes. Ce choix crée une opposition frontale avec le monde du Communiverse, plus organique et mouvant. La réel devient le symbole de l’enfermement intérieur : Elio est cerné par des adultes qui codifient le réel, là où lui rêve d’évasion et d’interstices.

Lorsque Elio est “aspiré”, la mise en scène joue sur un effet de flottement sensoriel : dilation de la spatialisation, sons étouffés, textures translucides. Cette scène, réussie formellement, crée une désorientation féconde. Elle inscrit le film dans une logique du passage entre mondes, mais aussi entre états d’être.

Plus tard, après l'échec d'une mission dont il s'est chargé, Elio se lie d’amitié avec une créature difforme, Glordon, dont la voix et les gestes évoquent une altérité radicale. Le travail d’animation sur les micro-expressions rend cette relation plus organique et sa caractérisation splendide. Mais elle est desservie par la prévisibilité de la narration et un scénario trop linéaire.

Le retour sur Terre se conclut par une étreinte affectueuse entre Elio et sa tante, désormais plus réceptive à son monde intérieur. Cette séquence fonctionne car elle renoue avec ce que Pixar sait faire : exprimer des émotions simples avec pudeur. Mais cette "réconciliation" arrive tard, comme si le film avait trop longtemps hésité entre deux récits : celui de l’enfant, et celui de la galaxie.

Où me situer ?
Je sors de Elio partagé. J’admire le voyage d'Elio et sa relation avec sa tante. Mais je ressens aussi une frustration. Le film survole ses idées les plus fortes pour retomber dans des structures trop connues. À vouloir parler à tout le monde, Elio devient parfois anonyme. Il y a du cœur, mais pas assez de souffle narratif. C’est un film qui pense juste, mais écrit trop vite.

Quelle lecture en tirer ?
Elio est un film de paradoxes. Il veut parler de différence, mais revient souvent à des figures familières. Il veut honorer l’étrangeté, mais reste dans des codes très balisés. Pourtant, il garde une fonction précieuse : proposer aux enfants (et aux adultes) une vision du monde où la parole compte plus que la violence, où la différence est une chance, pas un défaut.

Le film invite à reconsidérer ce que peut être un héros. Il propose une utopie douce, non exempte de faiblesses, mais portée par un semblant de sincérité. On aurait aimé que cette sincérité soit mieux servie par une structure plus audacieuse, une écriture plus incarnée, moins lissée.

Elio est un film touchant, souvent beau, parfois bancal. Un Pixar mineur pour ses producteurs, mais pas sans valeur.

cadreum
6
Écrit par

Créée

le 21 juil. 2025

Critique lue 65 fois

6 j'aime

cadreum

Écrit par

Critique lue 65 fois

6

D'autres avis sur Elio

Elio
Shawn777
7

I want to believe

Deux salles, deux ambiances en ce mercredi 18 juin puisque si d'un côté, nous avons "28 ans plus tard", c'est aussi la sortie du nouveau Pixar... pas si attendu finalement. Eh oui, dès qu'il ne...

le 18 juin 2025

11 j'aime

4

Elio
Tonto
8

A star is reborn

Depuis le décès récent de ses parents, le jeune Elio vit avec sa tante Olga. Introverti, il n’a qu’un rêve : entrer en contact avec les aliens, avec lesquels il se sent plus de points communs que ses...

le 21 juin 2025

10 j'aime

Elio
Casse-Bonbon
8

Critique de Elio par Casse-Bonbon

Cette aventure spatiale raconte l’histoire d’un jeune garçon solitaire qui, par un concours de circonstances cosmiques, se retrouve propulsé dans une assemblée intergalactique où il est...

le 19 juin 2025

8 j'aime

Du même critique

Queer
cadreum
8

L'obsession et le désir en exil

Luca Guadagnino s’empare de Queer avec la ferveur d’un archéologue fou, creusant dans la prose de Burroughs pour en extraire la matière brute de son roman. Il flotte sur Queer un air de mélancolie...

le 14 févr. 2025

32 j'aime

1

Maria
cadreum
9

Maria dans les interstices de Callas

Après Jackie et Spencer, Pablo Larrain clôt sa trilogie biographique féminine en explorant l'énigme, Maria Callas.Loin des carcans du biopic académique, Larraín s’affranchit des codes et de la...

le 17 déc. 2024

30 j'aime

4

Tu ne mentiras point
cadreum
7

Traumas des victimes murmurées

Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant...

le 20 nov. 2024

30 j'aime

1