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Le transgenrisme n’est pas un sujet de société.

Des fois, les cinéastes gauchistes savent nous surprendre en faisant mine de n’être que des militants attardés alors qu’ils ne cherchent qu’à faire du cinéma.

Je m’étais déjà fait avoir avec « La Vie d’Adèle », palme d’or en 2013, croyant en bon droitard que j’aurais affaire à un film-tract, et finissant par devoir admettre que Kechiche avait commis un chef d’oeuvre.

Bon, pas de chef d’oeuvre ici, Audiard et Kechiche ne nageant pas dans les mêmes eaux.

Pour autant, s’il ne fait pas vraiment du bon cinéma, Audiard, quand même, fait du cinéma.

Aussi son film évite l’écueil du brûlot progressiste en traitant le transgenrisme, non comme un sujet sociétal, mais comme un sujet anthropologique et métaphysique.

Le changement de sexe, ici, est une métamorphose d’ordre ontologique. Changer de sexe, c’est changer d’essence, passer du mal au bien. On pourra juger comme on veut ce parti pris un peu manichéen, mais ce n’est selon moi pas le sujet ici, car à aucun moment le film ne cherche à saisir le réel.

Car ce qu’Audiard veut faire avant tout, c’est côtoyer le tragique, au sens antique du terme.

C’est pour ça qu’il choisit un narcotrafiquant, notable du 21ème siècle, pour protagoniste.

Les scènes musicales ont la même fonction que chez nos dramaturges préférés, celle de commentaire, plutôt que narrative.

Et le dilemme du personnage au sujet de ses enfants est, il faut le dire, assez puissant pour qu’on puisse accorder au film la dimension qu’il revendique.

Mais alors, est-ce que c’est bien ?

Ben, c’est moyen.

Autant le cinéaste parvient à insuffler à son récit un réel souffle dramatique pendant toute la première partie, autant la seconde, sortant du cadre de l’intime pour celui de la collectivité, s’enlise un peu.

La résolution de l’intrigue, quant à elle, donne lieu à un ratage complet sur le plan cinématographique, où il convoque John Ford, Michael Mann, et autres, pour un truc qui fait prout.

Et l’esthétique « dark-pop », qui nous fait revenir 10 ans en arrière, dans le « Spring Breakers » d’Harmony Korine, nous rappelle qu’Audiard, plutôt qu’un inventeur de formes, est avant tout un suiveur besogneux.

Restent les scènes musicales qui sont de beaux moments de spectacle et qui évitent de s’ennuyer complètement.

JaunieBigoude
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le 9 mars 2025

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JaunieBigoude

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