En Première Ligne se présente comme un film de fiction — et non un documentaire — sur un sujet brûlant : la crise hospitalière, entre difficultés financières et pénurie de personnel. À travers le parcours d’une infirmière, le film plonge le spectateur dans une journée type, ou plutôt dans une journée désastreuse, où tout semble concourir à illustrer l’effondrement du système. Pourtant, c’est précisément dans cette accumulation de malheurs que le film perd en crédibilité, basculant parfois dans une surenchère qui dessert son propre message.
Une journée dans l’enfer hospitalier
On suit l’héroïne, infirmière dévouée, dans sa tournée quotidienne : une vingtaine de patients à soigner, réconforter, écouter. Sauf que, très vite, le réalisme cède la place à une forme d’exagération systématique. L’hôpital est en sous-effectif, c’est un fait. Mais ici, l’infirmière incarne à elle seule tous les métiers : elle remplace les agents de sécurité, les brancardiers, les standardistes, les aides-soignants… Elle est partout, tout le temps, et pourtant jamais là où elle devrait être. Le film montre une professionnelle seule face à tout — patients, familles, médecins —, transformant sa journée en un calvaire sans répit.
Un réalisme qui vire à l’invraisemblance
Bien sûr, la crise des hôpitaux est une réalité. Bien sûr, le personnel soignant est sous pression. Mais *En Première Ligne* pousse le curseur si loin que le scénario en devient presque irréaliste. Comment une seule personne pourrait-elle assumer autant de rôles ? La gestion du temps, déjà chaotique par nature, est filmée de manière si décousue qu’on peine à comprendre comment les heures ont pu filer aussi vite. Les scènes s’enchaînent à un rythme effréné, comme si le film cherchait à tout prix à nous étourdir pour mieux nous convaincre.
Des problèmes personnels pour alourdir le tableau
Comme si les tensions professionnelles ne suffisaient pas, le scénario ajoute une couche de drames personnels : une pause volée pour appeler son ex-mari, une conversation qui se termine mal, une fille qui lui raccroche au nez. Le message est clair : non contente d’être écrasée par son travail, l’infirmière doit aussi porter le poids d’une vie privée en lambeaux. Le problème ? Cette accumulation de malheurs finit par ressembler à une checklist des clichés du « personnage martyr ». On sort du film avec l’impression d’avoir assisté à une succession de coups bas, comme si le réalisme social ne pouvait exister sans une dose de misérabilisme.
Un film qui rate sa cible
Le paradoxe, c’est que En Première Ligne part d’une intention louable : dénoncer les conditions de travail dans les hôpitaux. Mais en forçant le trait, il risque de lasser, voire de braquer le spectateur. Au lieu de susciter l’empathie, cette surenchère donne l’impression d’un plaidoyer mal dosé, où la nuance a été sacrifiée sur l’autel du pathos.
En Première Ligne aborde un sujet crucial, mais peine à trouver le bon équilibre entre réalisme et dramatisation. Dommage, car le fond mérite mieux que cette forme parfois tape-à-l’œil.