Tout simplement excellent. Une belle surprise.
Le récit est classique, disons-le, on peut même percevoir des résolutions un peu faciles. Mais à côte de ça, il y a un travail sur les personnages qui est remarquables. Ils sont tous caractérisés, et cette caractérisation est exploitée en permanence ; ce que chacun fait, il le fait parce qu'il est ce qu'il est, et si on avait mis un autre personnage à la place dans cette même situation, il aurait réagi autrement. Et ça c'est très fort. Et chaque scène est l'occasion pour les auteurs de répéter l'exercice. M'est avis que ce film, et je ne suis pas sarcastique en le disant, devrait être étudié en école de cinéma tant ces caractérisations sont bien exploitées.
Il y a par exemple cette scène fantastique, à la fin, où la famille se retrouve à l'école avant le spectacle de fin d'année. Le père aperçoit le fils arriver avec un autre homme. Le père lâche : un voilà je parie que c'est son mec. La fille réagit en levant les yeux au ciel, son nouveau chum reste en retrait. Quand le fils entre, le père, direct, demande au mec s'il est pd (ou je sais plus exactement, mais en gros il met les pieds dans le plat), le mec est désagréablement surpris par cette question et ne sait pas quoi dire, le fils, lui, répond : mais non, c'est mon colloc'. Quoi ? tu loues une chambre dans mon appartement dans lequel je te laisse squatter gratos ? ben oui je deviens autonome. Déjà en soi, le dialogue est drôle, mais alors, par rapport aux personnages, par rapport aux situations précédentes, il s'agit là sans aucun doute de mon plus gros fou rire de l'année, je n'en pouvais plus je me suis repassé la séquence une deuxième fois, toujours hilare.
Y a une telle évidence en regardant ce film. Des plans très simples mais qui en disent longs. Ce plan quand les portes de l'école se referme sur la vision du fils dont un camarade de classe se moque dans la cour, devant les parents désespérés. Quand on voit les parents, on comprend toute leur détresse, là on sait et ils savent qu'ils ne pourront pas aider leur fils, le protéger comme ils veulent. C'est d'une violence dingue, c'est fort, c'est triste. Et puis à la fin, quand les parents apprennent que leur fils est maintenu dans son année, donc qu'il double, leur réaction est magistrale. Parce que oui, ils ont gagné cette bataille, mais ils savent aussi et ça rejoint ce que je viens de dire avec ce début, ils savent que tôt ou tard ça coincera, qu'il ne sera jamais parfaitement autonome. Mais ça fait du bien cette petite dose d'espoir, c'est une fierté. Bordel, rien que de me remémorer cette séquence, je chiale.
Et puis qu'est-ce que c'est drôle. Sans jamais appuyer lourdement, ça fuse, un peu comme dans une comédie Apatowesque, des situations du quotidien mais vu sous le prisme de l'absurdité. C'est hilarant. Et les auteurs parviennent aisément à passer du drame à la comédie. Quand par exemple, au zoo, la prof s'en prend au gosse, ou plus tard quand la mère craque, ce n'est plus drôle d'un coup. Mais on retourne à la comédie après une petite phase de décompression. C'est bien dosé. Et toujours drôle.
L'autre bon point, c'est que le film est assez juste dans la représentation de l'autisme et les aides apportées, avec le discours qui y est lié. Sans pour autant vouloir faire étalage de cette connaissance comme dans nombre de films sociaux du genre. Cela permet d'asseoir une réalité, de montrer en vrai ce que subissent les familles ; sans doute la mère est elle encore trop patiente, mais au moins on la sent au bout du rouleau et encline à céder à des besoins égoïstes destructeurs d'un juste équilibre. Les parents d'un autiste sauront probablement s'identifier aux parents du film, en particulier la mère.
Les acteurs apportent beaucoup à leur rôle. Je n'imagerais pas un autre père, pas un autre copain, pas un autre ex, pas un autre dentiste ... et puis ce gosse. Est- il autiste réellement ? Je n'ai pas fait de recherche à ce sujet, mais je reste épaté. Soit c'est acteur qui est excellent, soit c'est un autiste qui a su se plier au jeu du tournage. Parce que le découpage reste assez conventionnel pas juste des plans séquences. Il y a des action et des coupez. Et sa prestation est incroybale. Souvent, quand on place un handicapé dans un film, ben on voit qu'il joue aps très bien. Comme dans le film de Arthus. Et ça passe. Mais ici, waw, impressionnant. On croirait voir un documentaire. Je ne sais d'ailleurs pas ce qui serait plus impressionnant : que ce soit un vrai autiste qui ait pu jouer de la sorte ou une personne non autiste qui aurait pu jouer comme ça... Et vraiment je me pose la question, est-ce que Lamy s'est vraiment pris tous ces coups qui n'ont pas l'air simulé ?
La BO fonctionne assez bien aussi : un piano la plupart du temps, ce qui apporte une forme de légèreté dans le drame et soutien ainsi mieux la comédie sans trop l'appuyer. Elle n'est jamais trop envahissante et peut parfois surprendre le spectateur. Le découpage est globalement sobre, au service de l'histoire, ce qui n'empêche pas des plans marquants visuellement, parce que la caméra est intelligemment placée, et permet ainsi de bien saisir les enjeux. C'est tellement riche en fait, que j'ai envie de comparer au hasard, la scène du monolithe dans 2001 à celle de la porte qui se ferme à l'école dans ce film-ci ; on est dans une puissance égale, un langage cinématographique maitrisé dans les deux. L'on dira que je suis fou, que j'exagère, je n'en suis pas si sûr, car si le film est moins ambitieux philosophiquement, il reste très efficace dans son déroulement et traitement. Et puis, ça parle malgré tout de l'humain et c'est déjà pas mal.
Bref, que voilà une belle comédie bien écrite, bien mise en scène, riche en thèmes, en réflexions, généreuse en rire.