Un trip angoissant dans un Toronto Labyrintique

Jake Gyllenhall repasse à nouveau devant la caméra de Villeneuve après Prisoners, véritable thriller aussi noir qu'efficace sorti l'année dernière, pour Enemy, une œuvre inattendue et tout aussi fascinante, bien que radicalement différente de la précédente. Dans ce dernier, Villeneuve semble avoir délaissé certains des éléments qui avaient forgé le succès de ses films antérieurs, à savoir une intrigue diaboliquement prenante. Alors que Prisoners était un film mettant à rude épreuve nos nerfs, Enemy s'impose davantage comme une œuvre sensorielle, nous propulsant dans un monde étrange et onirique, qui mêlerait le réel au surnaturel sans les dissocier l'un de l'autre.
En effet, ici les personnages plongés dans une profonde solitude évoluent au sein d'une ville qui prend vite un caractère abstrait et angoissant, un Toronto construit tout en hauteur emprisonnant les personnages par ces immenses tours de béton entre lesquelles rodent d'étranges créatures, des araignées géantes détentrices d'un secret qui ne nous sera jamais dévoilé. Car si l'intrigue peut paraître simple au premier abord et la narration linéaire, le film pose un certain nombre d'interrogations qui laisseront le spectateur dans l'ombre du doute et de l'interprétation.
Formellement, Enemy est en tout point réussi : éclairé à la lumière de Nicolas Bolduc, le film est plongé dans une atmosphère jaunâtre qui confère au climat général un caractère apocalyptique et qui maintient le spectateur en état de profond malaise. La caméra de Villeneuve lente et posée, parvient magistralement à capter l'ambiance de ces lieux (de long couloirs sombres et infinies, des motels miteux, des appartement ultra stylisés avec vue imprenable sur la ville) qui reflètent l'état d'esprit dérangé du personnage principal. Un film Cronenbergien en somme, où dans Crash (1996) l'on retrouvait cette même fascination à filmer un univers urbain, un Toronto de béton et de verre baignant dans une atmosphère mystérieuse et charnelle.
Mais le film de Villeneuve ne s'impose pas comme un simple exercice de style vain et prétentieux, c'est un film qui lorsqu'on en sort, déboussole, interroge et continue de nous hanter encore un certain temps après son visionnage. Une œuvre étrange qui n'est pas là pour complaire au spectateur, à nous de faire l'effort d'accepter et de se laisser embarquer pour le trip qu'est Enemy.
Antoine_Redon
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le 7 oct. 2014

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Antoine Redon

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