Quand un film a tout les atours de la série B décérébrée, et qu'en plus, une star en pleine dérive physique y cachetonne, tous les indicateurs du bon goût virent au rouge et vous commandent de fuir de la salle projetant l'immondice.


Enragé semble consciencieusement cocher chaque case maudite. Tandis que le public sera sidéré de voir Russell Crowe, le Maximus du début des années 2000, rappelons-le, aussi épais que deux culs de vache, et donc encore plus que dans La Momie.


Cela ne sent donc pas très bon, pensez-vous.


Sauf qu'il va falloir se déboucher le nez, foi de masqué.


Car Enragé étale à la fois un sens du minimalisme millimétré et une brutalité sans bornes, faisant de Russell une sorte de sanglier obstiné et suicidaire, une bête de charisme qui remplit littéralement le cadre à chaque fois qu'il apparaît, le rendant incontournable, inaltérable, inéluctable dans la menace aveugle qu'il incarne.


Faut dire que la réalisation lui est entièrement inféodée, donnant l'impression qu'il écrase le cadre de son allure massive et imposante, n'offrant aucun autre horizon que sa gueule grimaçante ou son cheval de guerre dans le rétroviseur de sa victime.


Et si certaines ficelles sont aussi épaisses que Russell, on s'en fout, car tandis que le film va droit au but, il s'adresse au système limbique de son public, l'immergeant dans une sensation de menace invisible, de tension qui ne relâche jamais son emprise et de puissance aveugle dont la brutalité et la sauvagerie représentées à l'écran feront plus d'une fois sursauter.


L'immersion est totale dès la première scène, envisagée comme une des représentations les plus pures de l'apnée mentale, ce moment suspendu dans le temps, où tout bascule, l'esprit en premier.


Cette immersion est totale grâce au travail minutieux sur le son : la respiration de Russell, les pneus martyrisés, les rugissement du moteur presque animaux, tout concourt à rappeler, par certains aspects, Duel, tandis que Derrick Porte verse dans son shaker une mesure de Chute Libre, et une autre de Phone Game, donnant des aspects thriller à une vengeance des plus implacables.


La vengeance de ceux qui ont tout perdu, broyés par les impasses civilisationnelles, les pressions et l'exploitation sociales. Soit la noirceur sans retour de notre temps. Au point que le duo d' Enragé semble représenter le drôle de yin et de yang : la masculinité blessée, au bout du rouleau et toxique d'un côté, la charge mentale de la divorcée au bord du précipice de l'autre. Pour une explosion commune sur fond d' American Way of Life que l'on attendait pas de la part d'un projet aussi simpliste de prime abord.


On en attendait pas autant d'un film aussi rentre-dans-le-lard et méchant inondé (et enrobé, n'est-ce pas, Doofy ?) de la présence magnétique de Russell Crowe.


Behind_the_Mask, qui veut sa paire de ciseaux en sucre d'orge.

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le 24 août 2020

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