Nous sommes au pic de la carrière de Neil Jordan, en plein cœur d’un renouveau du vampire dans les années 1990. C’est donc tout à fait un film de son temps, a fortiori quand on regarde ce casting iconique.
Fin du XVIIIᵉ siècle, Louis est l’exploitant d’une plantation en Louisiane. Profondément dépressif, il croise Lestat, vampire notoire, et celui-ci va lui offrir l’éternité autant que les tourments propres à cette non-vie. C’est Louis lui-même qui nous raconte son histoire.
De l’ambiance poisseuse de la Nouvelle-Orléans à l’obscurité des catacombes parisiennes, ce portrait est parfois autant celui d’une époque que celui d’un personnage. On appréciera la manière dont est dépeint ce changement de siècle, à l’aube de nouvelles aspirations. Les conditions des travailleurs des champs, la vie de la bourgeoisie rurale, les mœurs d’une ville carrefour sont bien exploitées et forment un lien avec la non-vie du vampire, nécessairement héritier et témoin du temps qui passe. Dans tout ça, la place de l’individu est questionnée. Louis semble en rejet de sa condition et base son action sur des valeurs morales, peu compatibles avec son état de prédateur. Le film sait prendre son temps pour construire les rapports entre les personnages et nous immerger dans l’ambiance. De l’action, il y en aura assez peu. Et pour cause, c’est sur un terrain à la fois fantastique et empreint de romance qu’il place son récit, dans un conflit constant entre amour et bestialité, entre séduction et rejet, entre naissance et décès. Pour autant, le suspens n’est jamais absent car l’inquiétude de notre personnage sort de l’écran pour prendre le spectateur. À la mise en scène, de l’efficacité sans esbroufe et c’est tout à fait ce qu’on attend. De son côté, l’interprétation est aux petits oignons, sans fausse note.
Donc ? Un film qui traverse le temps comme ses personnages. De son temps et intemporel. Une belle histoire singulière et un portrait de vampire comme on en verra peu. Un (re)visionnage qui reste nécessaire et très agréable 30 ans après sa sortie.
>>> La scène qu’on retiendra ? La souffrance de cette gamine qui ne pourra jamais grandir, coincée pour toujours entre deux pères, l’un sadique et l’autre bienveillant quoi que ça puisse signifier quand on est vampire.