Trépanation radicale orchestrée par un fou du bricolage

Ah Denzel, tout un mythe. Ce mec ne doit pas avoir besoin de taper du poing sur la table pour se faire respecter par ses moutards. Quand l’un d’eux fait une bêtise, hop rappel à l’ordre devant la télé, quelques décrochés de mâchoires à la Man on Fire ou un charcutage en ombres chinoises sous un pont version Le livre d’Eli, et le petit Washington finit ses haricots verts sans demander son reste, les yeux brillants qui plus est, avant de retourner dans cette chambre dont les murs prônent fièrement la figure patriarcale tapant la pose, l’œil vif et la mitraillette en évidence.


Un charisme inné, exploité sans réserve pour cette nouvelle collaboration avec Fuqua. The Equalizer, c’est Denzel en représentation, l’arme humaine parfaite que personne ne peut mettre à défaut. Le redresseur de tort tout droit sorti d’un comics burné qui bute du salopard avec une créativité dans la douleur sans cesse renouvelée pour contraster avec son faux air de berger confessant les brebis égarées. L’homme est urbain, avant de s’attaquer à la carotide, il s’assure longuement que sa frêle victime ne désire pas être sauvée. Torture sadique ou acte de foi, vous êtes seuls juges. Moi j’ai choisi, à mort les salauds !


Un mantra qui résume d’ailleurs toute la substance de The Equalizer. Fuqua tente bien à quelques reprises de construire une petite trame rédemptrice, mais qu’on ne s’y trompe pas, il livre un vigilante movie au sens premier du terme, seul le bodycount importe, et il est sacrément costaud. Quand la machine se met en marche, que l’œil du tigre entre en résonance avec l’instinct carnassier qui le porte, les corps tombent sous les coups d’une mise en scène au cordeau, tape à l’œil certes, mais d’une efficacité redoutable. A ce niveau, il n’y a aucunement tromperie sur la marchandise, celui qui s’attend à une mise en scène créatinée, dont la seule préoccupation est d’esthétiser une violence toujours plus frontale, en aura pour son argent, à n’en pas douter.


En revanche, pour celui qui en attend un peu plus, quelques points noirs viennent entacher le plaisir. Sa durée en premier lieu. Plus de 2h pour une bobine de ce genre, c’est bien trop. C’est lorsqu’elle est condensée que l’action rassasie, quand elle s’attarde, elle finit par provoquer la lassitude, comme c’est le cas quand le dernier affrontement s'attarde en plein Leroy Merlin.
Plus embêtant, c’est la facilité over the top qui jalonne le parcours de Denzel au point de devenir quasi routinière. Si la première mise à mort entreprise par le vengeur au chronomètre possède la bonne énergie, celle qui vous fait pulser le palpitant de plaisir, bien vite l’intérêt s’épuise. Le schéma très linéaire du film, digne d’un beat them all peu novateur, ne sied finalement pas à ce personnage qui méritait mieux comme rival qu’un ex-membre du KGB tout juste bon à soumettre jusqu’à la mort une jolie jeune fille sans défense (tu parles d’un kador).


Paré d’une esthétique soignée, d’une mise en scène précise, The Equalizer peine à capitaliser tout le potentiel de son héros (trop) béni par le créateur, la faute à des mimiques so 2010, comme cette manie d’excuser sa violence en insérant dans le récit des personnages purs, une fille de joie dans laquelle Chloé « pitchoune » Moretz se perd —le miscast de l’année ou presque, il y en a eu tellement— ou ce sympathique aspirant vigile, gros nounours reconnaissant, qui n’est là que pour apporter la petite touche humoristique de circonstance.


En bref, un film parfait pour une séance nobrain après une journée chargée, mais dont l’intérêt principal sera celui d’égayer les 60 ans de papy Denzel dans le montage powerpoint que lui feront ses petits enfants. On sent bien l’envie de Fuqua de rendre hommage au vigilante série B poisseux des seventies, ambition qu’il honore par moment, mais son essai est trop ampoulé par les tics actuels d’un cinéma qui ne se contente jamais d’être ce qu’il est. Allez, pour la prochaine fois, c’est 90 minutes sans bout de gras, exit les persos alakon uniquement bons à rajouter un nom bankable sur l’affiche, un vrai méchant qui fait flipper et ce sera carton plein.

oso
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le 21 déc. 2014

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oso

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