On m'a vendu Escape from the 21st Century comme une sorte de cousin de Everything everywhere all at once. Je dois dire que je comprends vaguement la comparaison, mais que globalement ça n'a tout de même rien à voir.


Escape from the 21st Century est un film au style épileptique, qui ne laisse jamais de répit à son spectateur. Les effets, hommages, enchaînements "décalés" pleuvent jusqu'à la noyade, on sort du film comme après un repas interminable, où l'on s'est forcé à manger jusqu'à l'écoeurement. Un style kitsch, maximaliste, qui n'a d'ambition que d'en mettre plein les yeux, au point où on ne sait plus où regarder. Alors, on retrouve là certains codes culturels propres à la Chine et à l'opéra chinois en particulier où l'exubérance et l'ambition d'un spectacle total sont au centre d'une industrie qui cherche avant tout le divertissement. Et on comprend vraiment qu'il est bien question de diversion, qu'il n'est question que de divertissement, de temps de cerveau à occuper coûte que coûte.


Les effets écrasent complètement l'image. Si le cinéma s'est construit un langage autour du plan, si la force du cinéma jusqu'à présent était de porter un sens ou une émotion à partir du plan, on a ici, avec ce film, une négation de la puissance de l'image au profit d'une avalanche illisible d'informations en tous genres. Ici, l'image est saturée par ce qu'elle n'est pas, torturée dans tous les sens jusqu'à un point extrême, et le spectateur est prisonnier d'un dispositif qui l'empêche de penser et de ressentir réellement.


Escape from the 21st Century ne fait pas confiance à l'intelligence de son spectateur et s'attarde continuellement à lui imposer des émotions qui ne sont jamais vraiment ressenties, à lui imposer des émotions simulées plutôt que vécues. Il y a une sorte d'anesthésie de l'émotion sous un montage épileptique qui ne fait que capter l'attention sans jamais laisser l'émotion monter. Le spectateur ne construit pas lui-même son émotion, le dispositif filmique l'encourage à réagir, comme on cliquerait sur le bouton "j'aime" d'un réseau social. Le spectateur n'est plus un interprète, il est réduit à une sorte de machine de purs réflexes.


Le montage frénétique détruit le temps du spectateur, ce temps qui lui est laissé pour penser et ressentir. Il n'a qu'un seul objectif : le divertir, le détourner de lui-même par une surcharge continue. Il en résulte une absence de profondeur : la profondeur ne pouvant s'installer que progressivement dans ces intervalles de temps où le spectateur peut s'approprier le film à travers ses réflexions et émotions réelles. Mais donc, quelle est l'ambition d'un tel film à part celle de nous subtiliser du temps de cerveau disponible ? Quels propos ?


On se rend compte du vide et de la vacuité du film lors du générique final. Peut-être certains en sortent soufflés, ou essoufflés, mais que reste-t-il passé cet état de fait ? Là où Everything everywhere all at once questionnait la place de chacun face à l'immensité de l'univers, là où Everything everywhere all at once permettait de réconcilier le macro avec le micro, et permettre à chacun de ne plus être effrayé par "le silence éternel de ces espaces infinis" comme le disait Pascal, Escape from the 21st Century, avec son titre ambitieux, ne fait que permettre au spectateur d'ignorer l'ennui et l'inquiétude par le divertissement (Pascal toujours).


Finalement oui, Escape from the 21st Century est bien cela : une fuite, pas seulement loin du 21ème siècle, une fuite du monde dans son ensemble qui nous éloigne de nos propres pensées et émotions, bien confortables. Un cinéma qui n'a plus le souci de la vérité, qui occupe le regard plutôt qu'il ne le change, qui propose de consommer de l'image plutôt que de vivre pleinement une expérience. Une prison dorée (d'un doré bien lustré et clinquant).


Alors il reste malgré tout des éclairs de génie. Il reste des expérimentations formelles intéressantes, il reste des ambitions qui auraient pu transformer tout cela en une oeuvre remarquable. Mais cela ne suffit pas.

King-Jo
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le 3 sept. 2025

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