Behind, les séries, il n'est plus trop fan. A tort peut être, puisqu'il semble que l'audace et la qualité d'écriture, si l'on en croit les thuriféraires, seraient passés du côté de la petite lucarne.


Sauf que s'envoyer une saison d'un coup, ou alors être là une soirée fixe dans la semaine pour quelques épisodes diffusés, cela le broute, le masqué, parce qu'il se sent enchaîné et que les longueurs inhérentes à la narration serial, ça le rebute... A tort, certainement, pensez-vous.


Tout cela pour dire que Escobar, pour le masqué, ce ne sera pas Narcos, mais plutôt ses dernières (brèves) incarnations, comme Blow, Paradise Lost ou encore Barry Seal. Des films le dépeignant comme extrêmement charismatique, voire magnétique. Où, par instants, Pablo apparaîtrait presque sympathique, limite Robin des Bois, lui qui a bâti des écoles ou des logements sociaux pour les déshérités des barrios.


Escobar aura au moins le mérite de remettre le clocher au centre du village : le film ne s'appuie en aucun cas sur le pouvoir de séduction du mythe, ambiguë et attirante figure du mal, ni sur son côté explosif et outrancier, passant du sourire à la barbarie en un clin d'oeil complaisant. Pablo n'était effectivement pas un bandit magnifique, mais un patron de cartel, terroriste convaincu et aveugle, gangrénant son propre pays par son pouvoir vicié et son règne de terreur.


Pablo n'est pas séduisant, même si Virginia Vallejo succombe dans ses bras. Escobar balance constamment sur le double prisme du portrait du criminel et du regard porté sur l'homme par sa maîtresse qui souffrira de son influence néfaste. Au point de regretter le titre original du film, manifestant clairement cette dualité, alors que le titre français, bourrin et un peu trompeur, tend à mentir quelque peu sur la marchandise.


On ne plaindra pas Virginia, au final, et ce manque d'affect pour son personnage de victime sert pourtant, malgré lui peut être, la tonalité du récit, qui met presque totalement de côté la fascination malsaine que peut inspirer le criminel.


Or, ici, Pablo est tendance animal. Ascendant hippopotame. Gras, ventripotent mais destructeur dans sa fureur. Le côté bouffon du personnage, dont certains auraient aimé que Javier Bardem porte haut, est mis en sourdine, au profit de sa violence constante, de sa quête maladive de reconnaissance, de sa quasi omnipotence maléfique, le tout virant au pathétique, le temps d'une séquence dans sa prison dorée.


Impossible de rêver devant le personnage proposé par cet Escobar possessif, maniaque, ultra violent, posant les prémices du terrorisme moderne. Le film se montre très terre à terre dans ce qu'il représente, tant du côté de la maîtresse du narco-trafiquant que du côté de la Colombie. Où le cancer de la narco-corruption se métastase, où la guerilla urbaine s'empare des quartiers les plus défavorisés, où la jeunesse est utilisée comme garde du corps et sicario.


Escobar est agréable à suivre et sans grand temps mort. Dommage seulement qu'il manquera sans doute, aux yeux de certains et de la série précitée, d'une certaine ambition, d'un aspect fresque criminelle qui aurait pu lui conférer encore plus de souffle. Mais tel n'était sans doute pas l'objectif de León de Aranoa, qui nous offre ici un drame aux accents désenchantés et terriblement froids dans la vision qu'il porte sur sa figure de proue, à peine réchauffé par l'attraction du couple vedette qui y évolue.


Et c'est déjà pas mal.


Behind_the_Mask, dont les connaissances en matière de poudre se limitent à celle de perlimpinpin.

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