Un groupe terroriste d'extrême-gauche commet des attentats en Suisse,ce qui incite Jean-Paul Chance,conseiller fédéral helvétique,à contacter Sébastien Grenier,paisible homme d'affaires zurichois qui est en réalité un agent dormant des services secrets français.Cet espion en sommeil depuis huit ans ne comprend rien à ce qui se passe et se trouve embringué au milieu d'une sombre histoire qui voit ses collègues tués les uns après les autres.Il semblerait que les agitateurs soient manipulés par un membre du KGB infiltré en Occident,et Grenier ne sait plus à qui se fier,même sa compagne,une prof d'université allemande liée à l'ultra-gauche,étant suspecte.Yves Boisset,cinéaste contestataire attiré par les grands sujets,s'attaque ici aux soubresauts de la Guerre Froide et aux manoeuvres occultes des barbouzes qui éliminent les gêneurs au gré des évènements politiques du moment.Pour ce faire,il adapte un roman de la Série Noire de George Markstein et cosigne le scénario avec Claude Veillot et Michel Audiard,lequel a en outre écrit de délicieux dialogues d'un cynisme froid.On fait là dans le haut de gamme,l'immense Ennio Morricone ayant composé une musique immersive totalement en phase avec l'ambiance paranoïaque du film.L'image claire et nette de Jean Boffety rend parfaitement justice à la beauté de la ville de Zurich,dont tous les recoins sont explorés,et les décors de Serge Douy,d'une clinicité chic,complètent idéalement le tableau.Dans la grande tradition du film d'espionnage,Boisset livre une oeuvre maîtrisée aux contours complexes,dans une atmosphère étouffante et ambigüe de piège se refermant sur des personnages devenant les pions d'un jeu qui les dépasse.Grenier se débat stérilement,pris dans cette toile d'araignée.Il ne peut faire confiance à personne et ne parvient jamais à empêcher les situations de dérailler.Manipulé par les diverses factions en présence,il finira malgré son expérience et sa méfiance par céder à la panique et à la colère,pour en conclusion faire exactement ce qu'on attend de lui,et il n'y aura pas de happy-end,le film consistant en une longue et inexorable hécatombe.Toute cette noirceur contraste avec le cadre idyllique de cette Suisse où on nage en apparence dans le calme,le luxe et la volupté.La balade à travers Zurich est des plus agréable et nous entraîne du quartier d'affaires au funiculaire,d'un restaurant au bord de la rivière aux rives du lac,des immeubles résidentiels cossus aux locaux historiques de l'université,de l'aéroport à la gare,du tramway à une boîte interlope.La distribution est assez monstrueuse et emmenée par un Lino Ventura en grande forme qui traduit avec finesse les errements d'un type en principe solide mais très fragilisé par les chocs émotionnels qu'il subit.Les autres acteurs ne sont pas en reste.Qui de mieux que Michel Piccoli pour incarner l'onctueux et équivoque Chance?Qui de mieux que Bruno Cremer pour donner vie au glacial et impitoyable Richard?Qui de mieux que Bernard Fresson pour jouer le bon copain désabusé du héros?Et puis il y a la polonaise Krystyna Janda en enseignante militante révolutionnaire,l'allemand Heinz Bennent en conservateur de musée munichois homo,le suisse Roger Jendly en commissaire de police peu efficace mais arrangeant,le terrifiant Marc Mazza,qui violait Marlène Jobert dans "Le passager de la pluie",en tueur à gages sans scrupule et le sympathique Philippe Brizard,qui côtoyait déjà Ventura en 69 dans "Dernier domicile connu",en collaborateur de Grenier.