Mon avis a bien changé sur ce film depuis, les goûts avec le temps... Je laisse quand même ma critique écrite à l'époque
À quel moment idéalise-t-on une époque ? À quel moment se rend-on compte que nos souvenirs sont soigneusement sélectionnés pour n’être que ceux qui nous font plaisir ? Loin d’être un film aux débats rohmériens, mais préférant se rapprocher d’une simplicité déstabilisante, Été 85 marque une période que nous voulons tous retrouver, alors que la menace du coronavirus plane encore au-dessus de nos têtes, une période où on se prélasse, on s’embrasse et on s’enlace. Alors venez dans nos bras Félix, Benjamin et François, vous méritez bien des louanges pour ce magnifique travail.
Le désir de l’Apollon
Au sein de premières minutes riches en couleurs (après une introduction dans une prison on passe sur la plage avec Inbetween Days des Cure) le décor est planté. Alexis, jeune garçon de 16 ans, est en vacances et va, peut-être, rentrer en 1e. Alors qu’il fait seul une balade en mer avec le bateau d’un ami, un orage le fait tomber à l’eau, et là David, 18 ans, entre en scène. Beau avec sa chemise déboutonnée, droit sur son bateau, il vient au secours de Alexis et le ramène sur la plage. Le rêve commence là où Apollon nous tend la main, et nous, ne demandant qu’à nous évader, on le suit, éperdument amoureux de ce qu’il renvoie, mais pas forcément de ce qu’il est. Tout tend à être idéalisé, l’été, saison où les langues se délient et les sentiments se lient, est propice aux idylles, et en ce sens l’œil par lequel on va regarder notre monde va être différent des saisons plus froides. Ici la lumière est éclatante, tout comme le sont les couleurs et les visages des personnages. On parle très simplement, avec des expressions de l’époque, et on exagère les traits, on exagère les accents.
Une nostalgie bouillonnante, chez Alexis
De cette nostalgie découle une obsession consistant à agrandir ce qu’on aime ou ce qu’on a aimé, amenant à la fameuse phrase du « C’était mieux avant ». L’accent anglais de Kate paraît mignon ? On va le rendre presque caricatural. David ressemble à l’homme de mes rêves ? Il va devenir l’homme de ma vie. Tout ce surplus ne fait alors que renseigner sur la vision qu'a Alexis sur les événements qui ont marqué sa vie, car on suit avant tout l’histoire qu’il raconte dans sa déposition pour le juge, une histoire qui, comme le dit Mr. Lefèvre, le professeur de Alexis, ressemble à un roman. Il n’y a donc pas de volonté de coller au réel, mais plutôt de coller à la vision qu’a le personnage sur ce qu’il a vécu, cela explique donc les clichés un peu simples sur les relations entre les personnages. En voulant y grossir les traits, il intensifie ce qu’il a vécu qui a duré sur une période, finalement, assez courte (la relation entre Alexis et David n’a duré, jusqu’à la mort de celui-ci (et non ne vous enfuyez pas ceci est dit dans la première scène du film), que 6 semaines), et cela renforce la sensation de bonheur éphémère que représente David. Car en découvrant de nouvelles sensations, Alexis se questionne énormément, alors qu’il se situe déjà en période importante de sa vie (est-ce qu’il entre en 1e littéraire ou est-ce qu’il se met à travailler ?), et chaque moment de réconfort est le bienvenu. Et quand il apprend que son oncle se travestit, et que sa mère n’y voit pas d’inconvénients, c’est comme un soulagement que de se sentir, indirectement, plus accepté par un de ses parents.
Le temps de l’insouciance
Mais l’été 85 est aussi en lui-même la marque d’une certaine inconscience et insouciance où tout semble si beau, mais en même temps si éphémère. Avec la découverte et la popularisation du SIDA, jamais les relations n’auront semblé aussi dangereuses, aussi mortelles. Mais même si le film ne fait aucunement mention du virus, la sensation de bonheur éphémère que transmet le long-métrage est bien en accord avec son temps, et en ce sens c’est tout le personnage de David qui devient une métaphore sur l’amour de ce temps. L’amusement (les moments passés avec David) et la beauté (le corps de David, musclé et attirant) qui cachent des problèmes bien plus profonds et sérieux (qui est vraiment David ?).
Bien plus complexe que son apparence ne le suggère, ce nouveau film de François Ozon se révèle fascinant par sa réflexion sur la mémoire et le bonheur. Jamais vraiment un drame, jamais vraiment une comédie, cette chimère offre l’un des plus beaux moments de cinéma de l’année et amène à une introspection de notre regard sur le passé, un regard qui est sans doute trop beau et soigné pour être exact.