Vous pardonnerez, j'espère, le manque de qualité probable de cette critique puisque je ne suis pas en mesure d'écrire correctement après la claque visuelle et cinématographique que je viens violemment de me prendre.

J'avais aimé l'écume des jours, et quitte à faire les choses dans le désordre, je me suis jeté dans ce film, confiant.

Gondry installe dès le début une atmosphère tendue, voire délétère, malsaine. On sent bien que dans cette oeuvre, il nous est demandé de recoller les morceaux dans le bon ordre, et je ne parle pas seulement de chronologie, mais aussi d'interprétation.

Le réalisateur laisse la part au spectateur dans la gigantesque métaphore qu'il est en train de créer, avec pour médium une machine à effacer les souvenirs que j'interprète comme un discernement forcé, une sorte de négation de ce que l'on a un jour aimé. Il nous laisse comparer à nos propres références pour comprendre, et en parallèle à cet inéluctable annihilation, il met en place une intrigue secondaire légèrement plus faible que le reste, mais dont le but final est d'obtenir le retournement de situation final : le protagoniste et son ex amie se rendent compte de la supercherie.

Là, deux sentiments s'opposent. Les deux personnages vivaient à côté sans ressentir la flamme initiale, et en perpétuel désaccord, avant de s'effacer mutuellement de leurs souvenirs. Pourtant, on sent une folle flamme de l'un vers l'autre, et le film ne nous donne pas les clefs pour comprendre si moralement leur couple aurait pu être pérenne, ou s'il était voué à l'échec (je prends la deuxième hypothèse, je la trouve plus tragique et donc plus belle). Et après l'effacement de mémoire, ils ont les mêmes réticences à recommencer une vie à deux, mais malgré tout recommencent.

Tout est là : l'idée magistrale de l'oeuvre est d'illustrer la régression de l'oubli. L'oubli profond. L'oubli de ce qu'on a déjà pensé, du ressenti que l'on avait des choses. Pas celui de l’Alzheimer ou de la mémoire sélective, celui de l'indolence, de la paresse de ceux qui préfèrent voir ce qu'ils ressentent sans faire l'effort de se remémorer que l'on a déjà envisagé les choses différemment.

Et donc, je suis trouve cela encore plus magistral que la fin soit tragique, et que leur histoire recommence de la même manière qu'elle a déjà commencé. Telle est la régression : faire l'effort comme il le faisait dans ses souvenirs lorsqu'il luttait contre l'effacement l'a amené à se rendre compte à quel point ses sentiments étaient profonds et sincères, mais la paresse de choisir de ne pas se souvenir amène au déclin et au recommencement.

Magnifique.
Eiphel
7
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le 7 févr. 2014

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Eiphel

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