Une année dans la vie d'une classe unique d'une école primaire d'un village auvergnat.Sous la houlette de l'instituteur Georges Lopez,des enfants qui vont des débutants de 4 ans aux grands de 11 ans effectuant leur dernière année d'école avant d'intégrer le collège,s'éveillent à l'apprentissage de la culture.Avec ce film,le réalisateur Nicolas Philibert a obtenu un énorme succès inattendu qui a propulsé le genre du documentaire,jusque-là plus ou moins sous-estimé,au rang de produit cinématographique rentable.Certes,d'autres oeuvres avaient cartonné avant,mais ça restait assez rare,et dans la foulée de ce film beaucoup d'autres productions ont vu le jour,sans pour autant triompher sur les écrans d'ailleurs.Mais ça ne coûte pas grand-chose d'essayer,le genre étant assez économique dans sa fabrication.Quoi qu'il en soit,celui-ci est une belle réussite car au-delà de la vie scolaire il propose a posteriori une radiographie saisissante d'une France rurale de ce début du 21ème siècle aujourd'hui disparue ou en voie de disparition.Que reste-t-il,un peu plus de 20 ans après,de Saint-Etienne-sur-Husson?Y a-t-il encore une école là-bas?Les entreprises agricoles ont-elles survécu?Il est peu probable que ceux qui prétendent nous gouverner aient maintenu cette scructure mobilisant un fonctionnaire appointé et l'entretien de locaux pour 10-15 élèves,et vu la politique agricole actuelle,il n'est pas certain que les champs et les élevages soient encore exploités.La France telle qu'elle était donc,et telle qu'elle est de moins en moins.Un instituteur empathique,attentif,dévoué,qui doit se multiplier pour gérer les différents niveaux de classes d'âges et éduquer des mômes gentils,polis et disciplinés.Pas de racailles ni de wokisme débridé à l'époque,et un respect naturel pour l'autorité de l'enseignant.Le film raconte ce vieux pays au fil des saisons,entre neige et soleil,des trajets en minibus de ramassage scolaire aux entretiens avec des parents ou avec monsieur Lopez,d'un pique-nique campagnard à la visite du futur collège des CM2.On a parfois reproché au film d'être mis en scène,ce qui est méconnaître l'univers du documentaire,qui est toujours mis en scène.Il est impossible de capter le naturel total quand on plante des caméras sous le nez d'amateurs,les comportements en sont forcément altérés et on restitue une vérité qui n'est évidemment pas la vérité absolue.Chacun joue plus ou moins un rôle,mais l'essentiel est d'obtenir globalement un récit qui se rapproche au maximum de l'authenticité,et le film y parvient.Les parents sont dignes et aimants,les gosses sont craquants et l'instit,au bord de la retraite,très émouvant.On s'est beaucoup focalisé à l'époque sur le petit Jojo,celui qui est sur l'affiche et que Philibert a privilégié dans son montage.Parce que dans le domaine du docu le scénario c'est le montage,les choix opérés au moment de trier les rushes.Et le réalisateur a obtenu le César du meilleur montage pour ce film,ce qui est justifié.Mais quand on regarde "Etre et avoir",on se rend compte que Jojo,certes trop mignon avec sa bouille malicieuse et ses réactions vives,est loin d'être le seul enfant mis en valeur,car personne n'est oublié et plusieurs profils se détachent.On pense à la petite blonde Alizé et à la minuscule asiatique Marie,deux petites poupées scotchantes,on pense à la poignante Nathalie,complètement introvertie,on pense à Julien,le joyeux paysan qui aide ses parents à la ferme,ainsi qu'à l'émouvant Olivier,un hypersensible bloqué par les pleurs lorsqu'il doit expliquer une bagarre avec Julien ou parler à son maître de son père malade.On éprouve automatiquement une vraie sympathie pour cette petite troupe emmenée par un type formidable,pur produit de la méritocratie républicaine.Georges Lopez,fils d'un ouvrier agricole espagnol immigré,dont les parents se sont saignés pour qu'il aie une meilleure vie qu'eux,et qui a su rendre à sa patrie ce qu'elle lui avait apporté.Son implication professionnelle est entière,et son émotion palpable lorsqu'à la fin de l'année scolaire les minots viennent tous l'embrasser avant de partir.Voilà,c'était ça la véritable école française d'autrefois,celle où on apprenait vraiment à lire,écrire et compter,dans le respect et la discipline,rien à voir avec le tas de merde que c'est devenu.Forcément,toute belle histoire a ses limites et le succès du film a gâché beaucoup de choses.Des crétins de touristes ont déferlé sur le village,rendant la vie des habitants compliquée,notamment celle des enfants qui ont été harcelés par les curieux.Et monsieur Lopez,qui avait accepté les modalités du tournage d'un docu en principe destiné à rester confidentiel,s'est réveillé à retardement après avoir eu l'impression de jouer dans "Etre et se faire avoir".Il a réclamé de l'argent,des parents d'élèves aussi d'ailleurs,et tout ce petit monde a heureusement été débouté par les diverses juridictions.