Une forme olympique (et un peu trop hystérique)

Aussi stupéfiant qu’agaçant, Kiju Yoshida détourne une commande commerciale pour l'emmener vers un portrait très pessimiste du Japon à l'heure où celui-ci est sur le point d'atteindre la reconnaissance internationale via les Jeux Olympiques de Tokyo et ses promesses d'avenir radieux. Mais le Japon ne fait pas rêver le cinéaste et Tetsuo ne cherche qu'à fuir ce pays écrasant où les possibilités d'émancipation semblent en fait impossibles.


C'est peut-être l'un des films les plus désabusés sur le Japon. Peut-être pas le plus cruel ou le plus virulent dans son portrait de la société nippone des 60's mais celui où la psychologie du héros n'est réduite qu'à une seule idée : la fuite. Les autres personnages masculins ne sont pas beaucoup plus glorieux, ce qui se traduit par un direction d'acteurs très discutable (et dommageable) : l'hystérie à tout va. Ca crie, ça gesticule, ça pleurniche, ça renifle, ca vocifère, ça tremble, ça transpire....
C'est très rapidement usant et très artificiel comme procédé où les nerfs de tout le monde craquent trop facilement.
Fort heureusement pour moi, c'est compensé par une réalisation ahurissante de virtuosité avec un sens du cadrage et de l'espace fabuleux qui joue comme jamais de l'architecture, des lignes, des perspectives, des lieux fermés et vides. Yoshida déploie des trésors d'imaginations pour ne jamais reproduire deux fois le même cadre et mieux traduire ce sentiment d'étouffement et d'impasse. Toute la première moitié est un modèle de réalisation, surtout la partie dans le stade abandonné où chaque nouveau plan impressionne par sa claustrophobie immédiatement viscérale.
La seconde moitié perd en intensité dramatique (et en interprétation exacerbée, ouf !) mais gagne en mélancolie en se déplaçant à la campagne. Les personnages parviennent enfin à s'approfondir vraiment et nous intéressent un peu plus.
Surtout la critique du Japon se fait plus ironique et donc percutante avec ce coréen cherchant à rejoindre ses compatriotes communistes, les GI's US et surtout cette idée géniale qui fait croiser le parcours de la flamme olympique.
Ca manque un peu de finesse et de développement dans la dernière ligne droite où la réalisation pourrait être un peu plus incisive mais ça reste souvent passionnant malgré donc des partis pris déstabilisant.

anthonyplu
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le 12 janv. 2018

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anthonyplu

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