Everywhere, Everything All At Once évide le multiverse de ses sempiternels super-héros plus-vertueux-tu-meurs pour y placer une famille de paumés saignée par le fisc et en instance de divorce. Film à propulsions en chaîne, de capsules de genre jubilatoires en pétarades d'humour tiktokesque, EEAAO crame ses idées de scéno comme les Expandables vident leurs chargeurs. C'est que l'héroïne incarnée par Michelle Yeoh, immigrante chinoise aux US frappée du sceau de la médiocrité suburbaine, a quelques vies à rattraper ; des vies de prestige et d'accomplissement qu'elle découvre avec envie une fois connectée à ses semblables du multiverse. Installée dans les starting blocks d'une course dévorante pour se sauver de sa propre insuffisance, la mère de famille trouve de la contenance en phagocytant toutes les femmes d'exception qu'elle aurait pu devenir. Mais se sent-on vraiment moins paumé dans la dispersion du multisoi infini ?


Film multiplex, EEAAO recompose sur l'écran les effets de l'accélération du fractionnement du monde et la densification subséquente des expériences vécues en simultané. Qu'il s'agisse des sursollicitations numériques, de l'abondance informationnelle ou de la complexification de notre compréhension du monde social et du vivant, la saturation mentale et émotionnelle guette. EEAAO épouse pleinement l'ubiquité de l'ère internet et multiplie les superpositions à grands renforts de fonds verts enchainés et de garde-robes stroboscopiques. Mieux que d'autres qui s'y sont frottés avant lui, sa grammaire intègre élégamment les codes esthétiques et langagiers du web qui se sont glissés dans nos rapports quotidiens et ont transformé notre interprétation du monde. Tout, partout, en même temps, c'est en quelques mots la promesse du rapetissement du globe formulée par internet, et donc celle d'un metissage extrême auquel le film se plie volontiers sur à peu près tous les tableaux. En résulte un métrage forcément tumultueux, parfois trop dispersé, mais toujours généreux, tant avec ses personnages qu'avec le spectateur.


"Here all we get is a few specks of time where any of this actually makes any sense"

DocElincia
8
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le 31 mai 2022

Critique lue 101 fois

2 j'aime

DocElincia

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