C’est fou mais c’est au moment d’écrire cette présente critique que je me rends compte à quel point ça me fait presque chier d’avoir à reconnaitre que – l’un dans l’autre – je l’ai quand-même bien apprécié ce film.
Bah oui c’est que, l’air de rien, il y a beaucoup de choses qui m’agacent dans cet Everything, Everywhere et tout le tralala (…à commencer par son titre).
Dès les premières minutes j’étais déjà à la peine tant ça cumulait tout ce qui me sort par les trous de nez dans le cinéma d’aujourd’hui.
Déjà il y avait cette photographie dégueulasse. Dès le départ on te crache à la gueule avec du orange et du bleu bien tartinés à la truelle, histoire de bien te faire comprendre que sur cet aspect-là on ne fera pas d’effort et qu’on te la jouera gros « McDo bien gras ».
Et pour ce qui est de l’exposition c’est quasiment de la même saucée. Ça s’agite beaucoup pour pas grand-chose. Ça souligne tout à coups de musiques ou de bruitages. Et v’là ti pas qu’avec ça, l’intrigue commence à te cocher ostensiblement pas mal de cases des bonnes causes du moment…
…Autant donc vous avouer tout de suite que j’ai frôlé l’écœurement dès le départ, et tout ça alors que pas grand-chose de sérieux n’avait été posé sur la table…
Mais bon voilà, d’un autre côté, force est de constater que plus ce film se déroule et plus il témoigne d’une qualité qu’on ne peut lui renier : la générosité.
Ah ça ! Généreux il l’est, et pas qu’un peu !
Sitôt ce film commence-t-il à dérouler cette histoire d’univers connectés que ça se met à déferler sans jamais s’arrêter. Univers visuels. Propositions absurdes. Montage. Sur tous ces domaines-là ça débite à toute vitesse et il faut bien avouer que dans le tas, il y a toujours de quoi prendre quelque-chose qui saura nous convenir.
Parce que quand bien même sur dix idées il n’y en aura souvent neuf qui agaceront ou laisseront indiffèrent, il n'empêche qu'il y en aura toujours une qui parviendra à faire mouche au milieu de tout ça. Et comme la cadence de ce film est incroyablement soutenue, on peut dès lors très facilement se retrouver à sourire, rire, voire même faire un petit « ouah » toutes les deux à trois minutes environ…
…Et sur un film de plus de deux heures, l'effet d’accumulation peut franchement se faire agréable sur la longueur.
Or si ça marche si bien, c’est aussi et surtout parce que le duo de « Daniels » – Kwan et Scheinert – a réussi deux tours de force qui étaient pourtant vraiment loin d’être anodins : d’une part ils ont su mettre dans leur mixer une vraie diversité d’approche si bien qu’il y en aura pour (presque) tous les goûts…
Moi par exemple je n’ai pas été très fan des combats à gogo et autres humours à base de godes et de plugs, par contre j’ai été très réceptif à tout ce délire totalement imprévisible qui a été développé autour de Ratontatouille, de l’univers parallèle des humains aux doigts saucisses, ou bien encore à ce dialogue final entre la mère et la fille sous forme de pierres…
…Et puis d’autre part, il est à saluer que, malgré ce déluge d’idées et d’absurdités, les deux capitaines de navire sont parvenus à condenser tout ça autour d’un axe narratif qui lui permet – bon-an-mal-an – de tenir son unité et de transformer cet ouragan instable en remarquable source d’énergie pour donner de l’impulsion et de l’élan à la trame.
Alors après dire cela ce n’est pas dire que, sur le temps long, ce film est parvenu à me faire oublier ses traits les plus agaçants. Ça, malheureusement : non.
Même dans ses moments les plus forts et les mieux maitrisés, cet Everything a toujours la fâcheuse tendance à vouloir trop en dire, trop en montrer, et trop en signifier, à tel point qu’il perde assez régulièrement tout ce qu’il était pourtant parvenu à gagner à travers son effusion d’idées.
D’ailleurs quand le générique de fin s’est mis à défiler, l’arrêt de la déferlante m’a très vite amené à me dégriser. Certes il y avait eu de la générosité et des bons moments indéniables, mais tout ça au service de quoi au final ?
Tout ça au service d’un propos assez bateau et convenu.
Pas de quoi enflammer les cœurs non plus…
Mais bon. A un moment donné il faut aussi savoir ne pas cracher dans la soupe.
Des propositions aussi riches et aussi denses que cet Everything – quoi qu’on puisse en penser – ça n’a quand-même plus grand-chose de commun dans le monde actuel du cinéma ; surtout celui de ce cinéma étatsunien à grand spectacle.
Il faut le reconnaitre : ça fait du bien. Ç’en serait presque rafraichissement, et cela malgré la sensation d’écœurement.
Et parce qu’au fond il a su être généreux presque sans réserve, j’avoue qu’en ce qui me concerne je ne saurais retenir à l’égard de cet Everything une sincère sympathie.
Alors certes, cette sympathie me fait chier et cela parce qu’il y a dans ce film tout ce que je déteste…
…mais d’un autre côté, il y a aussi en contrepartie tout ce que j’apprécie.
Everything. Dans un seul et même film. All at once.
Alors soit. Tant pis.
Si ça doit être le prix d’un petit moment de jouissance, après tout pourquoi pas.
Goinfrons-nous et après laissons à chaque organisme l’effort de faire le tri.
Car c’est peut-être là l’un des derniers moyens de prendre son pied dans ce monde d’aujourd’hui.