Caleb est un jeune programmateur doué. Lorsque le film commence, le bonhomme est transporté en hélicoptère jusque... en pleine nature. l'ouverture impose d'emblée une atmosphère énigmatique. Le procédé narratif sera utilisé pendant une majeure partie du film : montrer des faits qui paraissent mystérieux, sans les expliquer de prime abord aux spectateurs, puis laisser ceux-ci se poser des questions, faire des hypothèses avant de lui donner des réponses. La méthode d'accroche est plutôt efficace.
Caleb est recruté par Nathan, génie informatique multimilliardaire qui vit seul en pleines montagnes, loin des hommes dans une villa souterraine qui, de l'intérieur, ressemble à un curieux mélange entre un laboratoire et un bunker. Nathan a tout du génie devenu fou : surement misanthrope, car éloigné des hommes, sûrement mal-à-l'aise car il avoue vite qu'il boit beaucoup, sûrement doté d'un égo surdimensionné par il se prend pour Dieu. Là aussi, les spectateurs sont d'abord limités à des conjectures.
Il se trouve que, tout seul dans son coin, Caleb a mis au point une Intelligence Artificielle et l'a dotée d'un corps mécanique. Elle s'appelle Ava. Le boulot de Caleb, forcément top-secret, est de faire passer à Ava le test de Turing, destiné à prouver que l'IA est capable d'imiter correctement l'esprit humain.


Très vite, le film reprend les thèmes habituels des œuvres de ce genre. Les films sur les IA ne cessent de poser des questions sur l'humain. Qu'est-ce qui fait la différence entre un homme et une machine ? Si le programme est capable d'exprimer des sentiments, des émotions ou de faire de l'humour, qu'est-ce qui resterait à l'homme ?
Caleb se pose forcément la question et, dans une scène éprouvante, il en vient à l'auto-mutilation pour se prouver qu'il est encore humain...
Et si l'IA exprime des sentiments, est-ce que ça veut forcément dire qu'il en éprouve ? Là aussi, la question se pose aux hommes et aux rapports entre les humains, donc à toute forme de vie sociale : comment savoir ce qu'éprouve vraiment la personne en face de nous ? Et puis, ce thème sera majeur dans la seconde moitié du film, où on sent qu'il est question de manipulation. Mais qui cherche à manipuler Caleb ? Est-ce Nathan, qui a tout à gagner à déstabiliser le programmateur ? Est-ce Ava, et si oui dans quel but ?
La question de la programmation, là aussi, s'applique à l'homme. Nathan pose une question bien troublante à Caleb : "tu as été programmé pour être hétérosexuel, par ton éducation..."
Et arrive alors le thème de la sexualité. Parce qu'il se dégage d'Ava une sensualité diffuse, étrange, mystérieuse.


Le film aurait pu être intéressant. Il l'est, d'ailleurs, par moment. Sa réalisation froide s'accorde bien avec cette histoire de perte d'humanité. Et le cinéaste en fait finalement un thriller qui, à certains moments, est vraiment intéressant.
Son premier problème, non des moindres, c'est qu'il n'est pas le premier dans sa catégorie. Ex Machina arrive après Her, après la série Real Human, après Blade Runner. Les questions qu'il pose ne sont pas nouvelles. Ses réflexions n'apportent rien de neuf.
D'un autre côté, le film baigne dans des allusions bibliques qui sont d'une lourdeur exemplaire : la première IA s'appelle donc Ava ? Ben voyons ! Elle arrive dans une sorte d'Eden préservé des souillures du monde ? Et son créateur, Nathan, se prend pour Dieu ? OK, on a compris, n'en jetez plus !
Et puis, à force de vouloir être trop ambitieux, le film se délite. Des voies sont abordées mais pas explorées. Il a du mal à conserver son unité.
C'est bien dommage. Il y a des choses intéressantes, des scènes plus réussies. Il peut se voir, mais il ne faut pas trop en attendre quand même.

SanFelice
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le 28 mai 2015

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SanFelice

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