Critique : Killing Season (par Cineshow.fr)

Il sera difficile de faire croire que l’on attendait quelque chose de positif de Killing Season. D’une part parce qu’un film avec De Niro semble de plus en plus synonyme de productions de seconde zone voire de nanars (et cela nous fait beaucoup de peine de l’écrire), et d’autre part parce qu’en remplacement d’un véritable génie de la caméra, ce projet s’est retrouvé à la charge d’un véritable tâcheron, Mark Steven Johnson, le responsable de Ghostrider, Daredevil ou encore de C’était à Rome. Pour comprendre le pourquoi du comment, il faut remonter en 2009. A l’époque, ce projet de survival / duel entre deux hommes en pleine forêt s’appelait Shrapnel, devait être réalisé par John McTiernan, et symbolisait les retrouvailles entre Nicolas Cage et John Travolta, 16 années avec Volte Face. Entre temps, l’affaire Pellicano est passée par là, McT s’est fait lâché par toute la profession et dort aujourd’hui en prison. Le projet est mis en standy-by mais pas annulé. Après moult rebondissements et probablement une réécriture du script original (duquel il ne doit plus rester grand-chose), le projet est confié à Steven Johnson, et Cage démissionnaire remplacé par de Niro. Shrapnel devient Killing Season et passe sans grande surprise du statut de chef d’œuvre potentiel à celui d’esbroufe entièrement taillée pour le marché du DTV et les rayons de soldeurs…

Il suffira de quelques minutes pour que les spectateurs comprennent dans quel terrain ceux-ci évoluent. Après une introduction plutôt laide montrant les exécutions de tortionnaires Bosniaques par un groupe de GI Américains, on se retrouve face à un Travolta à l’accent de l’est totalement improbable, bonnet de marin pécheur et barbe au collier. Un accoutrement qui suffit de lui-même à décrédibiliser tout un film tant celui-ci déclenche une forme d’hilarité dès la première scène qui n’a pourtant rien de très comique. Ce dernier annonce vouloir retrouver l’homme à l’origine de exécution des Bosniaques 10 ans plus tôt. Cut… Bascule sur un De Niro à la mine défaite, bon patriote retranché au fin fond de la foret et entretenant des relations complexes avec son seul fils. On comprend qu’il ne pourra compter sur personne mais que son statut de militaire en fait malgré sa bonhomie un adversaire de taille… Après cette présentation laborieuse des deux protagonistes principaux, il sera navrant de constater la difficulté du réalisateur à installer la moindre tension au sein de son film, transformant les premières confrontations en soirée alcoolisée et instants de pèlerinage pour se remémorer les grands moments de leur passif de soldats. Il faudra attendre presque la moitié du film pour entrer dans le vif du sujet, à savoir le face à face et la confrontation entre le chasseur et le chassé…et vice et versa…

Mark Steven Johnson n’est pas McT et éprouve les plus grandes peine du monde à se concentrer sur son histoire et surtout, à faire vivre aux spectateurs l’expérience d’un survival. Là où des films comme Piège de Cristal, Une Journée en enfer ou Predator étaient de véritables chefs d’œuvre de l’action, c’est parce qu’ils arrivaient à être d’une efficacité impartiale mais surtout, qu’ils exploitaient à la perfection l’espace mis à disposition par les décors dans lesquels devaient évoluer le personnage principal. Chaque plan était évocateur, chaque image avait une fonction précise dans cette grande mécanique d’immersion du spectateur. Ici, tout reste tristement plat tant et si bien que le réalisateur n’aura d’autres choix que de jouer avec les même mécaniques que les films d’horreur bas de gamme pour tenter de nous surprendre. Bruits très forts couplés à une surprise improbable, musique plombante pour compenser l’inefficacité de la mise en scène et tenter d’apporter un dynamique à l’image purement artificiel, rien de tout cela ne fonctionne et pire, laisse bien vite entrevoir l’imposture que représente le film y compris pour les spectateurs les moins avertis. Killing Season a beau multiplier les retournements de situations tous plus invraisemblables les uns que les autres, l’inconsistance générale pas vraiment aidée par des acteurs en roue libre relèguent fatalement le film au rang d’échec cuisant.

Même si par instant il tente de revendiquer une image badass avec son lots de scènes pseudo frontales, rien ne tout cela n’est vraiment viscéral tant et si bien que l’implication déjà faible en début de long-métrage s’étiolera de plus en plus, jusqu’à un final plus proche de l’insulte au public qu’autre chose. Incapable de maintenir un rythme sérieux (ce qui n’a rien d’étonnant vu son passé), Mark Steven Johnson officie comme simple cadreur, refusant le moindre parti pris en terme de mise en scène et propose ainsi un survival cheap du début à la fin, filmé aussi platement qu’une vulgaire comédie. Le constat est sans appel et la déception immense. Lorsque l’on replace dans le contexte des origines et des motivations de McTiernan à réaliser ce projet, on ne peut qu’éprouver un véritable sentiment d’injustice, tant l’idée d’un vol de ce qui aurait pu être un grand moment de cinéma hante nos esprits consternés.

Difficile de croire qu’à un quelconque instant, les motivations artistiques de part et d’autres aient été les vrais moteurs du film, ce dernier pouvant se résumer à un vague film d’action de seconde zone aux relents patriotiques puants… Même si nous avions fait notre deuil bien avant de découvrir ce projet mort-né qu’est Killing Season, il est tout de même étonnant que le Festival de Deauville s’appuie dessus pour honorer John Travolta qui signe l’un des pires rôles de sa carrière. En tout état de cause, cette nouvelle « œuvre » dans la filmographie déjà très médiocre de Steven Johnson confirme son statut de yes-man sans talent, un personnage que l’on devrait éloigner de n’importe quelle caméra si tant est que l’on apprécie un peu le septième art…
mcrucq
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le 7 sept. 2013

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Mathieu  CRUCQ

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