Un Inferno infecté par le thriller

Avec sa musique sombre et aérienne à l'image des ciels automnaux qui défilent, noirs, au-dessus des ouvriers, ce n'est pas qu'un enfer social que veut montrer Factory, mais un inferno concret qui a envahi la Terre. L'usine est un personnage avec sa volonté propre, comme si c'était elle qui liait les hommes à un prolétariat piètrement post-communiste. Elle se transforme en un nouveau Tartare, une forge d'Héphaïstos maintenue dans son propre archétype par des générations de cupidité.


Factory n'est pas la plus remarquable création de Bykov, qui a prouvé qu'il savait élaborer de bien meilleures continuités. Le film a vite tendance à s'oublier dans des dialogues et des confrontations aléatoires qui ne font souvent que nourrir une violence trop explicitée au regard de cette ambiance initialement soignée.


Il aurait pu s'en relever. Hélas, les remarques en "il aurait dû" ne font que s'entasser tandis qu'on voit le film oublier peu à peu la beauté de la douleur réconfortante qu'il mettait en scène afin de soutenir la misère imposante, presque démoniaque, de ses personnages. Il l'échange contre une franchise crasse et devient progressivement le réconfort télévisuel de la classe qu'il représente.


Quand les backstories interviennent, c'est avec un poids amoindri, parce que Bykov a laissé son cinéma s'industrialiser et s'est empêché de créer le film d'action assez indirect qu'il avait en tête. Sa fin, qui aurait pu être une rédemption diabolique, une catharsis rouge rouille et noire de cambouis, arrive platement comme une conclusion griffonnée par quelque producteur. Dommage, il n'était pas si loin du but.


Quantième Art

EowynCwper
4
Écrit par

Créée

le 21 déc. 2020

Critique lue 268 fois

1 j'aime

Eowyn Cwper

Écrit par

Critique lue 268 fois

1

D'autres avis sur Factory

Factory
Cinephile-doux
7

Citadelle assiégée

Pour donner une idée de Factory de Yuri Bykov, il faut imaginer ce que pourrait donner un film coréalisé par Ken Loach, John McTiernan et Andreï Zviaguintsev. Un film de genre, avec un aspect social...

le 16 mars 2019

8 j'aime

Factory
seb2046
7

Prise en (m)étau(x)...

FACTORY (15,2) (Yuri Bykov, RUS, 2019, 109m) : Factory livre un haletant film de rapt nocturne sous la forme d'une lutte des classes sociale et d'une sévère parabole politique, par le biais...

le 28 juil. 2019

5 j'aime

Factory
RAF43
7

"Les sacrifiés !"

Ce long-métrage russe aux accents de “Nid de guêpes” et de “Assaut” (toutes proportions gardées bien évidemment), se veut à la fois un thriller au suspense maîtrisé, un drame social et une charge...

le 25 janv. 2020

4 j'aime

Du même critique

Ne coupez pas !
EowynCwper
10

Du pur génie, un cours de cinéma drôle et magnifique

Quand on m’a contacté pour me proposer de voir le film en avant-première, je suis parti avec de gros préjugés : je ne suis pas un grand fan du cinéma japonais, et encore moins de films d’horreur. En...

le 25 oct. 2018

8 j'aime

La Forêt sombre
EowynCwper
3

Critique de La Forêt sombre par Eowyn Cwper

(Pour un maximum d'éléments de contexte, voyez ma critique du premier tome.) Liu Cixin signe une ouverture qui a du mal à renouer avec son style, ce qui est le premier signe avant-coureur d'une...

le 16 juil. 2018

8 j'aime

1

Mélancolie ouvrière
EowynCwper
3

Le non-échec quand il est marqué du sceau de la télé

Si vous entendez dire qu'il y a Cluzet dans ce téléfilm, c'est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l'affiche car son rôle n'est pas grand. L'œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte...

le 25 août 2018

7 j'aime

3