Fanon de Jean-Claude Barny est un biopic qui a le mérite de dépasser son personnage pour investir le contexte et incarner une philosophie, celle de Frantz Fanon, psychiatre martiniquais muté en Algérie dans les années 1950, premier penseur du racisme systémique et prophète d'un humanisme révolté. Tombé dans l'oubli, contrairement à ses amis Sartre et Césaire, le penseur est donc réévalué dans ce film qui fait office de devoir de mémoire.
Sans éclats ni éclaboussures, Barny décrit une époque et un pays fracturé qu'un jeune médecin veut recoudre par des gestes forts (ne pas enfermer les malades mentaux) et des théories puissantes (les bourreaux sont aussi aliénés par le racisme). S'appuyant sur des cas d'études décrits par Fanon, le film parvient à rendre compte de ces idées révolutionnaires et à les faire résonner avec la période actuelle, sans en faire des tonnes (à l'exception du crabe métaphorique un peu trop lourdement présent). Sobre, simple, efficace, à l'image de son protagoniste incarné par un acteur au jeu modeste (à rebours des sur-performanes d'acteurs de biopic qui veulent incarner leur figure trait pour trait, Alexandre Boyer sous-performe (parfois ça devient mauvais) et prête son corps à Fanon en prenant soin de lui laisser de la place, à lui et à ses mots), Fanon est un biopic qui a le courage de faire revenir l'Histoire. Ce n'est pas uj très bon film, mais un film important dans l'histoire de la lutte contre les imaginaires décolonuaux.