Le premier volet de La trilogie d'Oslo, Rêves, installe une ambiance "hygge", ce style scandinave doux, apaisé, presque ralenti, de cocooning, dont le tricot en est la parfaite métonymie. Aucune grosse action retentissante ne vient interrompre ce rythme tranquille des images qui vont et viennent dans l'illusion d'un mouvement aléatoire, et les mouvements des personnages sont souvent la marche à pied, dans la ville ou en forêt. Il y a très peu de technologie à l'image, le corps étant défini dès le début comme une sorte de véhicule pour l'âme et la pensée. Quant à l'action, elle se concentre sur des questionnements suite à l'éveil du premier amour d'une lycéenne pour sa professeure, sans doute plus rêvé que réel, qu'elle a écrit et fait lire à sa grand-mère et à sa mère. Rêves est un film presque sans hommes, si ce n'est le scénariste réalisateur, qui parvient à effacer son regard masculin de la caméra ; un film qui fait parler les femmes, donc, comme le ferait un psy, et qui parvient à capter les enjeux actuels et complexes de la féminité moderne.
Esthétiquement, cela se traduit par une voix-off omniprésente (il faudra bien attendra 30 minutes avant d'avoir une scène dialoguée), mais qui ne fait pas que répéter ce que l'image dit déjà. Cet excès de voix-off verbeuse, facilité cinématographique moderne, contribue à l'ambiance hygge autant qu'elle l'épuise. Si le film est habile, agile et manuel, la voix-off l'intellectualise, et cela devient la description du petit milieu intello bourgeois norvégien des profs et des écrivains (le même que celui de lerivain, scénariste et réalisateur) : hygge, c'est un peu le bobo, quoi. Pas étonnant, alors, que l'Ours d'or donné a ce premier volet, ait été remis par Todd Haynes, réalisateur de May december et de Carol.
Aux États-Unis, ils avaient aussi Woody Allen (lié à New York), en France, nous avons Emmanuel Mouret (grand citadin aimant la nature), en Norvège, ils ont Dag Johan Haugerud (et Oslo, donc).