Albion n'a pas le cul sorti des ronces. Si on en juge par l'image donnée de sa jeunesse dans un tas de films pas spécialement critiques sur cette question, comme Notes on a Scandal, par exemple, on aurait tendance à se faire du mouron pour nos voisins et à remercier le ciel que 30 km de flotte nous séparent de leurs écoles. Je m'explique : la petite nénette dont on suit le mûrissement dans cette histoire plutôt triste aurait tout pour plaire si elle ne déversait pas des tonnes d'ordure à chaque fois qu'elle ouvre le bec. On sent le folklore, mais le mal est fait, elle semble bonne à donner à l'adoption aux Thénardier. Sa petite sœur, une poupée blonde au teint de miel, ne vaut pas mieux. Deux vraies poissonnières, mal emparolées, comme disait ma grand-mère, hargneuses comme des teignes, et portées sur la bouteille pour ne rien gâcher. En France, ça sentirait le conseil de discipline et les fers à Cayenne, mais il semblerait que, Outre-Manche, personne ne se laisse abuser par cette façade parfaitement odieuse et qu'on tolère ces écarts ahurissants sans piper. Ils font marrer le beau-père tandis que la mère répond dans le même registre, traitant ses propres filles de putes... Les mots dépasseraient certainement sa pensée si elle était dotée d'autre chose que d'une moelle épinière... Évidemment, le portrait sans concession des jeunes est accablant pour les plus vieux, paumés, camés, rincés, narcissiques, bref, à l'abandon complet. C'est cette déshérence qui constitue donc le sujet de cette histoire un peu trop lente, qui recèle malgré tout quelques beaux moments, soit que la tension mène à l'affrontement, soit qu'elle se relâche soudainement et laisse affleurer enfin de vraies personnes, habituellement enfouies sous des tombereaux de déchets malodorants. On pense à Ken Loach, parfois, et notamment à Sweet Sixteen. La danse pourrait être la planche de salut de la jeune héroïne. Mais rien n'est ce qu'on croit, dans cette histoire : la lumière ne sera peut-être pas au bout de ce tunnel-là, le gentil nouveau copain de la mère se révèle d'une insondable duplicité, et les voyous maltraitant les jeunes femmes au goûter pourraient avoir le cœur tendre. Bref, l'Angleterre recèle bien des surprises, pas toutes excellentes, mais pas toutes mauvaises non plus. On est loin des gazons amoureusement entretenus car tout est gris dans cette banlieue où les enfants sont livrés à eux-mêmes. Dommage que Iron Maggie ne soit pas là pour voir son grand œuvre.