Fitzwilly
Fitzwilly

Film de Delbert Mann (1972)

Miss Victoria Woodsworth (Edith Evans) est une des femmes les plus riches et généreuses de la ville, du moins le croit-elle. Généreuse, elle l'est si l'on en juge aux nombreux chèques qu'elle accorde à des oeuvres de bienfaisance. Riche, en revanche... Ce qu'elle ignore en effet, c'est que son père est mort sans lui laisser le moindre héritage et que le luxe apparent dans lequel elle vit n'est que le fruit d'arnaques minutieusement orchestrées par son majordome Fitzwilliam (Dick van Dyke, excellent) et sa légion de domestiques, qui sont prêts à tout pour cacher à la vieille dame la ruine dans laquelle elle vit en réalité. Mais voilà qu'une nouvelle secrétaire (Barbara Feldon) est employée par Miss Victoria ! Fitzwilliam et ses hommes pourront-ils continuer leurs arnaques malgré l'œil inquisiteur de la nouvelle venue ?


Il y a des films qui constituent une sorte de Graal aux yeux de tout bon chasseur de pépites cinématographiques méconnues. Obscure production Mirisch que tout le monde a oubliée (en tous cas, de notre côté de l'Atlantique), Fitzwilly fait indéniablement partie de ceux-là.
Dick van Dyke en majordome arnaqueur, dans une comédie de Delbert Mann aux côtés de la grande Edith Evans et d'une Barbara Feldon tout juste sortie de Max la Menace, ça vend du rêve sur le papier, mais ce n'est rien à côté du rêve effectivement vendu à l'écran ! L'amateur de perles rares se délecte à chaque minute de cette comédie géniale en tous points, qui évoque incontestablement ce qui se faisait de l'autre côté de l'Atlantique, chez les studios Ealing, avec un autre acteur taillé pour ce type de rôle : Alec Guinness.
Ici, Dick van Dyke délaisse ses hilarantes pitreries disneyennes pour investir un rôle beaucoup plus sobre, dans la pure lignée de son modèle britannique, mais tout aussi drôle. L'homme se révèle donc un véritable acteur, au-delà du clown qu'on connaît, et il donne à son personnage une classe et une distinction que, pour le coup, on ne lui connaissait guère.


Le scénario, loufoque à souhait mais jamais tiré par les cheveux, ne s'embarrasse que du minimum de crédibilité nécessaire, mais réussit pourtant sans aucun problème à s'appuyer sur cette crédibilité - tout de même essentielle - pour construire un récit solide et très bien mené, à l'image de dialogues toujours percutants. A aucun moment, l'humour ne s'efface au service de la narration ou inversement, le dosage est vraiment un modèle du genre.
Chaque personnage, bien caractérisé, est parfaitement à sa place dans ce grand jeu d'arnaque généreuse qu'on dirait tout droit sortie d'un roman de Wodehouse. Et comme chez l'immense auteur britannique, on fond littéralement ! On fond pour cette vieille dame qui se croit encore richissime alors qu'elle n'a plus un sou dans ses caisses, on fond pour ce majordome qui, par bonté et par honneur, a préféré monter une gigantesque arnaque plutôt que de lui avouer la vérité, on fond pour tous ces domestiques qui ont suivi leur chef avec dévotion, rentrant dans une série de combines hasardeuses et incroyablement culottées... Bref, on aime cette foule de personnages tous plus attachants les uns que les autres, tant la magie du scénario et la fascination qu'on ressent face au spectacle d'une arnaque aussi monumentale et aussi culottée nous embarque instantanément dans le film !
En fait, tout, dans ce film, avait pourtant vocation à devenir culte : qu'il s'agisse de cette adorable vieille dame qui signe des chèques à la pelle sans se douter que ses domestiques les reprennent aussitôt afin d'éviter que cet argent inexistant soit débité, de son aberrant projet de dictionnaire phonétique afin de lutter contre l'analphabétisme, ou bien de ce majordome qui a monté toute une arnaque s'appuyant sur un verset biblique mal connu et une bonne dose de pigeons alcoolisés pour se faire de l'argent facilement, ou encore de cette armée muette répartie dans toute la ville prête à obéir à ce majordome tout-puissant au premier claquement de doigt afin de protéger une vieille dame perdue dans sa grande demeure, tout devient culte. Instantanément.


Le plus beau du film reste sans aucun doute cette capacité à ne jamais se reposer sur ses acquis, et à maintenir constamment un entrain très communicatif, en renouvelant le récit jusqu'à sa conclusion, peut-être un peu rapide mais finalement tout-à-fait logique (et qui ne sort pas d'un chapeau). Quelques légers coups de mou peuvent poindre ici ou là, alourdissant momentanément un rythme toutefois bien soutenu, mais l'écriture du scénario est presque un sans-fautes. A aucun moment, on ne s'ennuie, à aucun moment, la magie ne retombe, car Delbert Mann sait parfaitement où il emmène son film, et construit minutieusement son intrigue de manière à nous hisser peu à peu jusqu'à un brillant climax sans perdre aucun spectateur en cours de route.
Le dynamisme d'ensemble est d'autant plus garanti qu'à la musique, on retrouve un certain Johnny Williams... Et après le génial Comment voler un million de dollars, dont Fitzwilly se révèle rapidement être un lointain cousin, le compositeur nous prouve qu'avant même Jurassic Park, Star Wars et Indiana Jones, son génie était déjà bien présent et franchement mature.


Bref, finalement, aucun réel défaut dans cette joyeuse comédie, pleine de légèreté et d'insouciance, qui, pour des raisons mystérieuses, a sombré dans l'oubli. Les perles rares n'ont pas toujours l'écrin qu'elles méritent.

Tonto
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le 20 déc. 2020

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Tonto

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