Fog
6.7
Fog

Film de John Carpenter (1980)

Cette critique fait partie de la liste "John Carpenter: The Prince of Darkness"
https://www.senscritique.com/liste/John_Carpenter_The_Prince_of_Darkness/1608951


Après être passé par la case TV (Elvis, avec Kurt Russell), Carpenter cherche une histoire pour son prochain film.


Tandis qu'il quitte le site de Stonehenge en compagnie de son épouse d'alors (la regrettée scénariste/productrice Debra Hill), ils voient un banc de brouillard et Big John lance:
"-What if there was something in the fog?”
Hill lui répond du tac au tac:
"-Ghosts !"


Carpenter trainait déjà une autre idée depuis peu: celle.d’un incident réellement survenu à Goletan (Haute Californie) où un navire rempli d'or coula avec sa cargaison d'or, au XVIIIème siècle.


Combinant ces deux pitchs, la trame générale de The Fog se mit en place tout naturellement.


Restait à trouver un lieu propice pour le tournage...


C'est en roulant sur les routes côtières Californiennes, que Carpenter trouva son bonheur.


La vue sublime qui s'offrit à lui du haut des 355 marches descendant au phare de Point Reyes, le décida à employer ce lieu hautement emblématique, car c'est une des zones les plus enclines au brouillard.
C'est d'ailleurs dans la petite ville d'Inverness (à proximité immédiate du parc national de Point Reyes) que Carpenter acquit par la suite une résidence secondaire (et où il tournera The Village of the Damned, 15 ans plus tard).
Il trouva non loin de là la ville de Bodega Bay, qui figurera la ville fictive d'Antonio Bay.
Ville qui accueillit bon nombre de tournage, du The Bird de Hitchcock au Puppet Master de Schmoeller,en passant par The Goonies et autre Sleepwalkers...


Une fois trouvé le(s) décor(s) idéal(aux), Carpenter pense au casting.
Aimant réemployer les gens avec qui le courant passait bien, il fit donc appel à:


-Charles Cyphers (présent dans les quatre précédentes œuvres de Big John),


-Jamie Lee Curtis (n'ayant pas bénéficié du succès d'Halloween, la Belle n'aura joué que dans deux épisodes de deux séries, soit Love Boat et Charlie's Angels)


-Adrienne Barbeau (qui est son épouse depuis l'année précédente)


-Nancy Kyes (présente dans Assault on Precinct 13 puis Halloween, elle est créditée Nancy Loomis dans les films)


-Darwin Joston (Assault...lui aussi).


Big John parvient à intéresser Janet Leigh (Psycho) qui est accessoirement la mère de Jamie Lee Curtis (pour les distraits) et Hal Holbrook (Magnum Force et Capricorn One), qui incarnera le dernier descendant du Père Patrick Malone.


Et pour palier au faible budget, Carpenter himself s'octroie le rôle du concierge de l'église.
Mais comme il le reconnait lui-même:


"-I felt I was so terrible in the role that I stopped acting in my movies except for “helicopter pilots and walk-ons.”
(Carpenter jouera pourtant dans Body Bags, mais il dira que ça ne compte pas, car il interprétait un "type mort".)


Le tournage fut assez compliqué pour illustrer ce brouillard "vivant" et rampant. Carpenter trouva donc quelques astuces (surimpression sur la pellicule, utilisation du vrai brouillard ambiant, séquence projetée à l'envers...), tandis que les scènes du Sea Grass tournées sur l'océan (au début du film) lui laissera un horrible souvenir: il souffrit tout simplement du mal de mer !


Une fois les prises de vues achevées, Big John se projeta le montage final et là...il s'aperçut avec horreur que le film était bien loin de son idée de départ.
Il décida donc de retourner une partie du métrage. et de refaire complètement la partition musicale.
Ainsi, il rajouta:



  • le prologue, où le grand John Houseman raconte le fameux naufrage de l'Elisabeth Dane, provoqué par la communauté avide d'Antonio Bay, pour récupérer leur cargaison d'or.


  • remontage de la scène d'attaque sur le Sea Grass, avec insertion de plans des revenants + ceux impliquant les blessures à l'arme blanche (crochets, épées.....)



-la courte séquence où le corps de Baxter tombe sur Elisabeth, lors du dialogue avec Nick dans le Sea Grass, donc pas de retour avec le cadavre,



  • découlant de l'évènement ci-dessus, la scène de la morgue (où entre autre, le corps de Baxter se lève et se dirige vers Elisabeth puis gravant le chiffre 3 sur le sol) donc pas de Darwin Joston, engagé uniquement pour cette séquence,


-la séquence où Stevie grimpe sur le toit du phare et est cernée par deux revenants.


Toutes ces nouvelles séquences augmentent la durée du film à 89 minutes (contre 80 pour le montage initial).
Juste pour voir ce montage original, j'ai donc coupé ces 9 minutes (bien que n'ayant pas la première version du score de Carpenter pour avoir un aperçu complet de ce rough cut) et le résultat donne un film avec moins d'impact, moins rythmé et donc moins intéressant...


La punition fut plus sévère envers son propre score. En effet, Big John pensa que cela ne fonctionnait pas du tout et pris la décision de refaire complètement la partition musicale.


Une fois ces ajustements effectués, le film put enfin sortir sur les écrans US le 1er Février 1980 et récolter 20 fois sa mise...


Qu'en est-il du film, 37 ans plus tard?


Plus classique dans sa forme qu'Halloween, The Fog n'en reste pas moins très efficace dans sa forme.


Misant sur la menace du brouillard (et de ce qu'il contient) dans des plans magnifiques (le cadre choisi par Carpenter ayant un impact certain de par son amplitude), le film traite d'un passé peu glorieux des USA, bâti sur la cupidité, le mensonge et la mise à mort de pauvres hères lépreux (mais détenant un trésor aurifère, sous forme de pièces de monnaies sonnantes et trébuchantes).
Et tout cela pour que la "communauté" puisse prospérer et bâtir une "jolie" petite ville (refrain connu mais ô combien réel !).


30 Avril 1880.
Blake et son équipage (tous atteints de la lèpre) souhaitent établir une colonie non loin de la future ville d'Antonio Bay et sont prêt à acheter leur lopin de terre aux 6 fondateurs.
Mais ceux-ci -horrifiés par leurs apparences pourrissantes et appâtés par leur or- préfèreront es précipités vers une mort certaine, en faisant passer un énorme feu de camp pour le point-repère des bas-fonds océaniques.
Le navire Elisabeth Dane se fracassera donc sur les rochers, emportant son équipage vers les Ténèbres insondables des abysses maritimes...


30 Avril 1980.
La localité d'Antonio Bay se prépare a fêter "dignement" le centenaire de sa création.
Tandis que la municipalité est à ses préparatifs, trois évènement se produisent:


-Nick Castle (Tom Atkins) va prendre en stop une jeune femme du nom d'Elisabeth (Jamie Lee Curtis) ce qui coïncidera avec le début des évènements,
-la D.J Stevie Wayne (Adrienne Barbeau) fera passer le message au remorqueur Sea Grass, -transmis par Dan O'Bannon (Charles Cyphers)- de la présence d'un banc de brouillard se déplaçant anormalement vers l'Est,
-et le Père Malone va trouver le registre de son grand-père, expliquant la terrible entourloupe envers Blake et son équipage.


Dès lors, la petite ville bien sous tous rapports va être victime d'une série d'incidents étranges (un pont élévateur se déclenche tout seul, une secousse sismique brève se propage dans les rues, les alarmes de voitures hurlent dans la nuit...), avant que la corne de brume ne retentisse annonçant le fameux brouillard.


Carpenter fait lentement monter sa sauce surnaturelle en présentant ces divers points à priori distincts, mais qui seront tous reliés au retour vengeur de l'équipage fantôme de l'Elisabeth Dane.


Faisant du brouillard un personnage à part entière, Big John le fera se glisser insidieusement dans chaque artère d'Antonio Bay, amenant en son sein la rancune et le besoin de justice de Blake et sa bande de marins spoliés.


"Pauvreté honnête vaut mieux que richesse mal acquise" pourrait résumer l'histoire de The Fog.
Et les descendants des 6 fondateurs de la ville, devront payer pour les mauvaises actions de leurs ancêtres.


A ce titre, les ajouts de Carpenter à son premier montage, se révèlent fort judicieux pour l'immersion dans cette ghost story côtière.
L'apparence de Blake et ses hommes -jamais distincts car noyés dans le brouillard complice- les relèguent au rang de silhouettes menaçantes et silencieuses.
Ainsi, chacune de leurs apparitions est synonyme de mort pour celui qui osera leur ouvrir la porte.


Malgré le classicisme de sa mise en scène, Big John parvient à donner corps à cette vengeance centenaire sans jamais forcer sur le trait.
Comme à l'accoutumée, sa partition pour le film -ici assisté de Dan Wyman- est une composante essentielle pour installer cette ambiance angoissante.


Fait amusant, Jamie Lee Curtis interprète une jeune femme à l'exacte opposée de son personnage dans Halloween (vierge et timide dans ce dernier, très libérée dans The Fog) et l'une des répliques à double-sens nous le fait bien comprendre.
Elle dit en effet à Nick, que c'est son 13ème ride.
On peut prendre ça comme étant la treizième fois qu'elle est prise en stop, ou plus malicieusement Nick sera son treizième amant depuis son départ de San Diego (le terme anglais "ride" désignant ces deux variantes).


Autre anecdote: Carpenter glissa quelques private jokes en nommant ses personnages:


-Elisabeth Solley: (l'autostoppeuse), nom d'une de ses ex, déjà utilisé dans Someone's Watching Me!, où ladite Solley se suicidait. A croire que ce fut une femme "terrible" aux yeux de Big John,


-Nick Castle: (le perso principal masculin), nom de son collaborateur et ami, présent dans son groupe The Coupes De Ville et accessoirement interprète de Myers dans Halloween,


-Dan O'Bannon (le technicien météo), nom de son ancien collègue de l'USC, acteur et technicien sur Dark Star et scéariste d'Alien et Total Recall,


-Tommy Wallace (George Buck Flower, l'un des marins du Sea Grass), nom du monteur/assistant réalisateur sur les premiers films de Carpenter et aux commandes d'Halloween III et du It inspiré de Stephen King,


-Bennet Tramer (le concierge), inspiré par le personnage cité dans Halloween, lors d'un échange entre Laurie et Annie)


Bref, The Fog est un film atmosphérique très réussie et réussissant à sortir le film fantastique de l'ornière gothique (encore une fois, après Halloween).


"...the campfire that led them to their dark, icy death".
watch the fog: watch the skies (the thing hawks)

Créée

le 19 févr. 2017

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The Lizard King

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