Fog
6.7
Fog

Film de John Carpenter (1980)

Après dissipation des brumes virginales

Un de mes premiers traumatismes de jeunesse.
Fog a longtemps tenu la corde du film qui m'avait le plus flippé… sans l'avoir vu.
Une frayeur indescriptible par procuration.


Imaginez la (relative déception) le jour où, quelques années après, je le découvrais sur un écran domestique.


On le sait pourtant, les films que l'on imagine sont souvent bien plus puissants que ceux que l'ont voit.
Pour cette simple mais implacable leçon, je garde pour ce film de Carpenter une affection particulière. Une place dans mon cœur que les grands renforts de spots verts ou rouges sur des nappes fausse brume issue de machines à fumée n'auront pas totalement balayé a posteriori, sous un vent mauvais de lucidité.


La chose est arrivée de manière étrangement simple.
Pendant des vacances d'hiver, mon frère et un cousin décident d'aller voir le film en séance du soir, décrétant de manière arbitraire que j'étais trop jeune pour ce genre de spectacle et qu'il était de toutes façons trop tard pour moi pour les accompagner. Leur rappeler que j'avais vu (seul) Alien quelques mois auparavant n'est pas suffisant pour amoindrir leur pulsion de cruauté: ils iront sans moi. Mon frère est plus âgé de 6 ans, mon cousin de 4 ans, ce qui justifie pleinement à leur yeux cette punition vexatoire: malgré mes presque 12 ans, je ne peux pas les suivre.
Ils m'imaginent vierge d'horreur, et souhaitent me maintenir dans cet état traditionnellement et tristement fantasmé.


Leur retour du cinéma est rapide et tendu. La route qui revient du centre du village est un peu longue, tortueuse et très peu éclairé, ce qui leur laisse tout le temps d'alimenter une frayeur née pendant la séance. Ce n'est qu'allongés dans la chambre (que nous partageons dans ce petit appartement) qu'ils peuvent enfin débriefer les grands moments du film. Me croient-ils endormi, poussent-ils la perversité jusqu'à me faire encore plus regretter ma soirée solitaire ? Toujours est-il qu'ils se racontent les scènes les plus angoissantes du film avec des tremblements dans le voix et leurs frissons traversent les montants des lits, se diffusent à travers les matelas et infusent les draps qui nous séparent.


Réduit à son idée de départ, le film s'enfle d'une pureté que la faiblesse du scénario ou le manque de moyens de ses effets spéciaux ne lui permettaient pas. A travers le récit de mes bourreaux du soir, le brouillard se fait méphitique, et le mal transpire à travers les murs de la chambre.
Je suis alors certain que le smog Carpenterien s'est installé autour notre immeuble, et que les heures qui me restent à vivre se comptent avec celles de nuit, qui sera courte.


Une séance qui, au moins par son souvenir, surpasse de beaucoup tant d'autres qui devaient ensuite me décevoir.
Une ode à l'imagination.
Une définition flatteuse mais méritée, au fond, du cinéma de Carpenter.

Créée

le 17 déc. 2020

Critique lue 1.1K fois

42 j'aime

19 commentaires

guyness

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

42
19

D'autres avis sur Fog

Fog
B_Jérémy
8

Une histoire de fantôme

23h55. Presque minuit. Juste le temps d'une dernière histoire... Après Halloween : La Nuit des masques, John Carpenter confirme son talent avec FOG Après l'immense succès de « Halloween : La Nuit...

le 10 nov. 2018

43 j'aime

33

Fog
guyness
6

Après dissipation des brumes virginales

Un de mes premiers traumatismes de jeunesse. Fog a longtemps tenu la corde du film qui m'avait le plus flippé… sans l'avoir vu. Une frayeur indescriptible par procuration. Imaginez la (relative...

le 17 déc. 2020

42 j'aime

19

Fog
Torpenn
4

Naufrage, ô désespoir

Allez savoir pourquoi, j'étais plutôt optimiste avant ce film. Je garde un fond de sympathie pour Carpenter, même s'il a réalisé bien plus de grosses bousasses que de films regardables, mais bon,...

le 16 déc. 2011

34 j'aime

41

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

314 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141