To live and let sigh
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Guillermo del Toro signe avec Frankenstein une relecture à la fois intime et grandiose du mythe du monstre et de son démiurge. Loin des éclairs de laboratoire et des clichés gothiques, il livre ici une œuvre profondément poétique, tragique, où l’ombre et la lumière s’entremêlent dans un ballet visuel d’une beauté crépusculaire. Inspiré de Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, le film retrouve la philosophie originelle du roman : celle d’un cœur brisé qui continue pourtant de battre. La dernière citation qui s’affiche à l’écran – « Ainsi le cœur peut se briser et cependant continuer de vivre » (Lord Byron) – résonne comme une épitaphe parfaite de ce récit hanté par la solitude et la culpabilité.
Del Toro, fidèle à sa sensibilité romantique et à son goût du monstrueux, explore ici le drame de la création, du rejet et de la paternité impossible. Son Frankenstein n’est ni un film d’horreur ni un simple conte gothique, mais une tragédie humaine où chaque créature -qu’elle soit faite de chair, de regrets ou d’orgueil- cherche sa place dans un monde incapable d’accueillir la différence.
La mise en scène, somptueuse, magnifie cette dualité. Les décors -châteaux en ruines, laboratoires voûtés, forêts noyées de brume- rappellent autant le romantisme pictural que la peinture symboliste. Les jeux de lumière, tout en clair-obscur, donnent à chaque plan un relief quasi pictural; on sent la main d’un cinéaste qui sculpte la lumière comme un sculpteur modèle son argile. Les costumes, minutieusement travaillés, prolongent cette impression de conte funèbre : élégance fanée, noblesse déchue, beauté abîmée.
Côté interprétation, le trio principal brille. L’acteur incarnant la créature impressionne par la justesse de son regard, à la fois naïf et terriblement lucide : il fait ressentir cette douleur d’exister sans jamais sombrer dans le pathos. Son créateur, lui, est un homme consumé par le feu qu’il a lui-même allumé -mi-dieu, mi-damné. Leur face-à-face, tout en pudeur et intensité, constitue le cœur battant du film.
Del Toro filme tout cela avec une élégance rare : ses travellings mesurés, ses silences, ses éclats de fureur soudains composent une symphonie mélancolique où l’émotion précède toujours la peur. Le rythme, parfois contemplatif, sert la lente dérive de ces âmes perdues, et la musique, ample et funèbre, achève d’envoûter le spectateur.
Frankenstein version del Toro est une œuvre de chair et d’âme, à la fois fidèle à Shelley et empreinte d’un lyrisme visuel propre à son auteur. Ni pur cauchemar, ni simple hommage, mais un film profondément humain sur la douleur de créer, d’aimer, de perdre.
Un conte d’ombre et de lumière, magnifique dans sa tristesse. Un des meilleurs films streaming de cette année 2025. 7/10
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