Eh bien, que dire ? Que ceux qui s'attendaient à un nouveau Braveheart ou à un Robin des Bois purement yankee peuvent rester chez eux et économiser le prix de la place de ciné ? Certainement. Car Free State of Jones abandonne ce qui semblait être son thème principal à peu près à mi-parcours, faisant comprendre au spectateur que les deux heures vingt de spectacle, bein, il les sentira passer.


Alors même que le début du film de Gary Ross passe sans encombre dès lors qu'il ne s'égare pas dans son marais nostrum servant de refuge aux déserteurs et aux esclaves en fuite, laissant grossir sa communauté qui prend peu à peu de l'assurance et s'enhardit. Certaines images de guerre et de blessures sont sans concession, laissant à croire que le réalisateur prendra le spectacle à bras le corps. Mais ceci n'arrivera que trop peu souvent. Mais de manière étrange, sans décevoir, car le propos de Gary Ross dessine, autour de son héros, une sorte de tiers-état persécuté et spolié par la guerre, qui ne se reconnaît ni dans un camp, ni dans l'autre et qui n'est bon qu'à mourir afin de défendre ce qui ne sont, finalement, que des intérêts économiques, comme toujours aux Etats-Unis.


Ainsi, tant que le film fait évoluer son Robin des Bois et sa troupe dans la quête de leur libération et de terres, il se suit sans déplaisir, même s'il demeure d'un classicisme absolu dans son développement. Mais le soin dans la reconstitution historique séduit, même si le spectateur se dit parfois que Free State of Jones est un brin nonchalant dans son déroulement... Jusqu'à ce que l'oeuvre semble se terminer sur les quelques panneaux de texte avec photos sépias habituels.


Sauf que, loin d'atteindre la fin de son film, Gary Ross abandonne son propos de manière abrupte pour embrayer mollement sur l'après Sécession et ses conséquences sur les esclaves, dont la liberté ne restera encore longtemps qu'un simple mot. Débute donc un second film en forme de cours d'histoire particulièrement lourd et naïf, qui semble obligatoire aujourd'hui dès lors que l'Amérique ausculte ses états d'âmes bien tardifs et se repent de ce qu'ils ont fait subir à leurs communautés. Si cela est parfois nécessaire, encore faudrait-il ne pas ennuyer son assistance ou la trahir, ce que Free State of Jones fait malheureusement en transformant son semblant de fresque qui se voudrait historique en simple film d'un didactisme et d'un démonstratif assommant, ne rechignant pas à avoir recours au larmes. Ou en soulignant à nouveau son discours en lardant le métrage d'un procès qui ne sert à rien, sauf à dire, comme si ce n'était pas assez évident, que les lois raciales, c'est vraiment KK... Tiens, il en manque un, d'ailleurs.


Tout cela fait du film une oeuvre largement dispensable qui semble n'être pensée que pour ramasser quelques statuettes et prolonger l'aura de son interprète principal, pourtant impeccable, mais dont le rôle, extrêmement lisse, ne sera nuancé que dans une seule scène de mise à mort en forme d'exutoire. Free State of Jones sera aussi l'occasion de constater que deux films en un, finalement, c'est pas très malin, surtout quand on renie le premier dans la mollesse et le bavardage constant du second.


Les examens de conscience ne sont pas toujours aussi salutaires qu'on veut bien le dire...


Behind_the_Mask, qui n'aime pas les états d'âme.

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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2016 et En 2016, j'ai pris quelques douches

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le 19 sept. 2016

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