Quel plaisir de se replonger dans le New-York cracra des années 80. Celui des peep-show, des petits cinémas de quartier et projections porno. C’était aussi le temps de la VHS, du camescope et des videos nasties. La 42ème rue était envahi par les clodos, les putes, les dealers et les marginaux de tout bord ce qui embarrassait pas mal la municipalité de l’époque, faut dire que y avait de quoi aussi. Pour quelqu’un ayant grandi comme moi dans les années 90 loin de ce microcosme urbain souillé par le vice et la décadence, ce genre de péloche représente la quintessence d’une époque béni où des cinéastes bravaient les interdits en toute liberté à l’orée d’une décennie pourtant marqué par les histoires fantastique de la bande à Spielberg. Je ne peux d’ailleurs pas m’empêcher d’éprouver une sincère fascination mélancolique pour ce monde-là, probablement parce que la vie semblait plus proche d’une forme d’anarchie consensuelle accentué par la misère sociale. Evidemment cette faune sauvage soulève aussi son lot de mauvaises rencontres et de psychopathes déviant ce qui en fait le sujet idéal pour des oeuvres underground issue de ce nouveau courant trash et satirique où l’on s’évertuait à repousser les limites du raisonnable à l’écran. Franck Henenlotter fût en quelque sorte l’un des pères fondateur de ce nouveau mouvement contre culturel en marge du système hollywoodien où les films se tournaient à l’économie de moyen. Les défauts et pauvreté de la mise en scène ne font qu’en renforcer le degré de cynisme et l’intérêt d’autant que celui-ci ne manque pas de bonnes idées de trucages pour y pallier. L’un de ses meilleurs arguments réside également dans sa complaisance malsaine et gore. Si les résultats de son exploitation en salle furent d’abord décevants, la pierre est à jeter à son distributeur qui avait pris la liberté d’expurger le film de ses meurtres les plus sanglants. Une erreur de jugement qui sera réparé suite à la réussite d’une projection non censurée et qui permettra enfin à ce Basket Case de voir le haut du panier.


Le film tient sur un pur argument de série B, on suit le quotidien d’un jeune freluquet se trimballant dans le New-York interlope avec un panier en osier dans lequel il planque sa deuxième moitié, véritable réduction d’être humain édenté au physique largement repoussant d’où le choix de l’élever à l’abri des regards indiscrets après que ce dernier fût balancer aux ordures comme un vulgaire déchet. L’idée peut sembler totalement incongrue si on considère que son frère siamois qui possède un appétit vorace ne semble même pas posséder de système digestif en sus d’être animé par une force surhumaine. Le duo fraternel entreprend en réalité de se venger du chirurgien qui les a autrefois séparés, mais Belial devient de plus en plus irascible et incontrôlable, déchiquetant le faciès de ses victimes à mesure que Duane s’éloigne et s’émancipe pour filer la parfaite idylle avec une femme qu’il vient de rencontrer. La plus grande force du film aura sans nulle doute été de parvenir a faire naître une réelle connexion télépathique et sentimentale entre une marionnette grossière taillé dans un bloc de plastique et un véritable acteur là où d’autres seraient certainement tombé dans le piège de la parodie filmique. Cette fascination pour les monstres que le réalisateur tente d’ailleurs d’humaniser au fur et à mesure de l’avancée du récit, on la retrouve dans l’ensemble de sa filmographie, elle est souvent mêlé à la déformation du corps (Body Horror), le monstre étant chez lui la manifestation d’une excroissance pathologique et névrosé du héros comme Elmer le verre solitaire, la femme aux 7 clitoris de Bad Biology, ou bien le docteur fou de Frankenhooker qui tente de ramener sa femme à la vie grâce aux dépouilles des prostituées qu’il récupère. Le reste de la filmographie de Henenlotter sera plutôt placé sous le ton de la comédie, mais l’ambiance s’avère ici plus dérangeante et bâtarde, l’atmosphère des lieux comme l’hôtel de passe dans lequel ils vivent est particulièrement glauque à souhait. Le film prend fin d’une manière extrêmement cruelle et tragique laissant cette impression de désenchantement et de désespoir absolu. On ne rigole jamais vraiment devant, c’est plutôt les sentiments d’inconfort et de gêne qui prédominent à l’issue du visionnage face à ce théâtre du bizarre, mais c’est aussi ce qui participe à l’acceptation de la différence vers laquelle tend le réalisateur et ce qu’il creusera d’ailleurs dans ses suites notamment Basket Case 2 qui se rapproche beaucoup de l’univers de Clive Barker et son Cabal sorti la même année. Malgré la sauvagerie et la brutalité de ce petit bout de chair atrophiée, on finit vraiment par s’y attacher notamment lorsqu’il tente de surmonter le traumatisme et la frustration inhérente à sa condition.


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le 19 janv. 2024

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