J’aime bien ce film et l’idée qu’il met en scène, même si il est plus réussi dans sa version américaine mais ça on y reviendra.
Le concept est le suivant; là où d’habitude on suit les personnages d’un film parce qu’ils sont attachants, ici, qu’ils le soient ou non, ceux sont eux qui vont nous forcer à les suivre.


Dans Funny Games, Michael Haneke prend une famille toute gentille dont il va présenter les membres comme les protagonistes grâce au langage cinématographique; le montage et la mise en scène s’intéresse uniquement à eux, ils sont les premiers à être cadrés, ils ont droit à leurs plans rapprochés, etc, etc.


Mais alors que se passera-t-il quand deux autres personnages qui ne sont pas du même avis avec ce parti-pris vont entrer en scène? Et bien il vont tout simplement forcer l’audience à les suivre, en lui adressant directement la parole, le regard droit dans l’objectif et en allant même jusqu’à rembobiner la scène quand la situation ne va pas leur plaire.


Ils vont nous faire comprendre de la manière la plus explicite possible que c’est avec eux que nous devrons être complice pour suivre l’intrigue et pas avec les chouchous du réalisateur.
Et pour que l’on vive l’entrée en scène de ces deux personnages comme une vraie intrusion dans la narration, il faut leur enlever toute humanité, tout attachement possible.


Et c’est là que Funny Games nous rappelle une des règles fondamentales du cinéma. Cette règle c’est que, dans un film, l’attachement qu’on a pour un personnage est dû avant tout à la volonté d’un seul et unique élément du récit; la mise en scène.


    Mais forcément, le film souffre de la comparaison avec Funny Games US et vice-versa; parce qu’Haneke a refait le même film 10 ans plus tard, quasi plan par plan, en version américaine pour toucher un public plus vaste. Mais a-t-il vraiment fait le même film? 

Pas exactement. Pour ma part, j’avais d’abord regardé la reprise de 2007, et c’est en voyant par la suite sa version autrichienne que je remarque l’affinage de sa mise-en-scène et de son montage.


Parce que, de ce côté, la version ultérieure est plus réussie. Tout d’abord, la photo, et il n’y a pas à dire; c’est pas Darius Khondji. Ça fait juste bien le travail et encore, il y a des passages qui sont plutôt mal-éclairés, en dehors même de toute comparaison. Je pense au moment où ils s’installent dans le salon et où l’on ne voit pas grand chose.


Et puis ce qui m’avait marqué en voyant Funny Games US c’était la scène du point de non-retour, le premier coup porté par Peter sur le père de famille. Dans cette scène, le montage est juste réussi et fait parfaitement culminer la tension qui est bien étirée comme il faut dans le plan-séquence qui précède, qui mettait les échanges de plus en plus tendus remarquablement bien en valeur.


Là dans l’original le contre-champ sur le père qui tombe ne coupe pas pile au bon moment (trop tôt ou trop tard) et c’est le genre de détail qui peut vraiment agacer. Ajoutez à ça le jeu d’acteur du père qui ne fait pas assez comprendre qu’il a mal alors que dans la version américaine, Tim Roth souffre, sa voix tremble, son visage blanchit; il a pris un coup.


Il y aussi au niveau de l’ambiance certains plans qui la font moins ressentir; je pense au plan du portail qui se referme qui est moins long ou juste la scène de la partie de chaud ou froid qui ne dure pas assez longtemps pour qu’on sente vraiment la mort s’installer, en comparaison avec celle de la version US, et qui en plus est interprétée par Naomi Watts, meilleure dans le rôle.


D’ailleurs parlons en; les acteurs. Je dois reconnaître que je préfère les deux antagonistes dans cette version; disons qu’ils sont plus “mignons” dans leur attitude (surtout le brun) ce qui les rend d’autant plus détestables. Quoique les deux blondinets ça marche bien aussi.


Mais les parents ne font pas le poids face à leurs homologues américains. Surtout avec Naomi Watts dans la scène de la cuisine au début, qui joue vraiment mieux l’exaspération montante causée par ce petit con maladroit qui vient lui demander des oeufs. Parce que même quand on ne connait pas le synopsis du film, cette scène reste désagréable à regarder.


Pour le jeu d’acteur du père, j’en ai parlé plus haut, c’est un peu médiocre.


Mais le film reste réussi et mérite clairement qu’on s’y ré-intéresse (quitte à le refaire en mieux), tant l’idée qu’il avance est originale, et surtout bien mise-en-scène.

TheBobineDemon
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le 17 sept. 2020

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TheBobineDemon

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