Furie est un patchwork français de plusieurs films américains, des Chiens de paille (1971) à Us (2019) en passant par The Strangers (2018). Le souci, c’est que la rencontre de ces influences diverses engendre une production maladroite et hétérogène qui ne réussit jamais à imposer une vision artistique cohérente, l’intérêt étant éparpillé entre le brûlot social, le clip esthétisé et le film de genre. Tout paraît forcé, et nous comprenons pourquoi le réalisateur a pris soin d’indiquer en ouverture que ce que nous nous apprêtons à regarder s’inspire de faits réels : pas une minute nous ne croyons à cette histoire mal ficelée et mal interprétée – les acteurs ne sont pas très bons – qui construit laborieusement une haine pensée comme une révolte à l’encontre de la passivité et de la faiblesse.
Car là où l’œuvre de Sam Peckinpah brossait le portrait de personnages ambigus dont les relations – notamment amoureuses – divulguaient mal une violence contenue et sur le point d’exploser au sein d’un crescendo magistral, Furie part de protagonistes gentils comme tout, droits dans leurs bottes, pour leur faire subir les pires atrocités tout en subordonnant celles-ci à une utilité : elles sont des vecteurs d’apprentissage, elles initient les « faibles » à la vie, la vraie. Les faibles deviennent alors des forts et se choppent comme des bêtes. Quelle révolte ! Pour incarner à l’écran la conversion du pauvre prof d’Histoire en guerrier assoiffé de sang, nous avons le droit à des scènes ridicules où Paul (de son petit nom) enfile ses baskets et court, court, droit devant lui, le visage resserré, les yeux pleins de fureur, une musique électronique derrière lui. Tonitruante, la musique.
Le spectateur est pris en otage dans cette conversion à la violence qui n’est jamais spontanée mais qui résulte de l’application des schémas les plus éculés et grossiers du genre ; car que vaut un film sur la révolte qui ne révolte pas son spectateur ? La seule révolte qu’il occasionne est celle du plagiat, en moins, beaucoup moins bien. Les ficelles sont grosses et sont visibles, nous anticipons – ou craignons d’anticiper – ce qui se produit quelques minutes plus tard. Furie est un long métrage faible et dépourvu d’âme qui se complaît dans les séquences barbares qu’il élabore, pense que des néons rouges, des sorties en boîte de nuit et des massacres sur fond de chanson vintage suffiront à faire du cinéma. De genre ou pas, il n’en est rien.