L'atrocité de la guerre peut prendre bien des formes. Que ce soit dans la Ligne Rouge et le rapport à la nature, dans la liste de Schindler et l'holocauste ou bien dans Fury, on peut apercevoir les multiples facettes d'un mot, ses nuances qui ont pour principal point commun l'horreur et le changement humain.
Fury fait le pari de montrer la guerre comme on la voit dans la plupart des films, du point de vue des soldats américains. Seulement, là où le film de David Ayer se démarque, c'est lorsqu'il montre non pas des machines de guerre patriotes faussement abîmées, mais bel et bien des hommes venus sauver le monde sans vraiment avoir réfléchi à ce qu'ils allaient rencontrer pendant leur parcours.
L'équipage d'un tank donc. Wardaddy et son équipe viennent de perdre un monde et récoltent un gringalet plus ou moins convaincant pour le remplacer. Ces hommes sont brisés, on vient de les attaquer chez eux, dans leur maison. Et sans pouvoir faire le deuil de leur frère d'arme, les voilà repartis en mission.
Apprendre à tuer, négocier du chocolat contre une partie de jambes en l'air, se méfier d'une population qui souffre, qui n'a pas le choix, d'enfants combattants, avancer dans la boue, dans un cimetière de cadavres, comme un récit initiatique, "Machine" doit comprendre la survie. Et s'il ne le fait pas tout de suite, il périra sans que l'on se souvienne de lui. On ne lui fait aucun cadeau, on le martyrise, on lui apprend la vie pendant la guerre.
En cela, le film est une pure réussite puisque rien n'est épargné au spectateur. On montre ou on suggère mais la réalité est là. Pas de patriotisme, pas de fierté américaine, pas de sauveurs. Juste des soldats qui ont un job à faire. Rien d'autre. On pense notamment à la scène du repas avec les allemandes dans le village tout juste pris d'assaut qui est poignante de vérité. L'adrénaline est telle, l'effort est si intense que les soldats abandonnent peu à peu leur humanité pour ne voir que ce qui peut leur permettre de survivre - mentalement et physiquement. Même la jalousie de l'équipage n'est pas mal placée. Ils traversent l'Europe dans un champs de bataille ensemble et ne savent pas quoi faire lorsqu'ils perdent l'un des leurs. A la vie à la mort, ça peut se comprendre.
Et même la séquence finale
où l'équipage est bloqué et doit choisir entre fuir et continuer le combat n'apparaît pas comme une énième histoire patriotique. L'équipage doit protéger sa maison. Il ne sait faire que ça.
Les émotions fusent, l'horreur d'abord, la tristesse ensuite, une montée d'adrénaline pendant le final épique et puis surtout la désillusion. L'atrocité de la guerre a mille facettes et aucune n'est plus simple à supporter. Il n'y a pas de héros, il y a juste des survivants. "They're young. And they're alive".