Farde l'Aveu

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Adaptation du roman Brainwash de John Wainwright paru dans la collection Série noire, celle qui donnera le film homonyme de Alain Corneau, Garde à vue est une rencontre au sommet. Un duo Lino Ventura-Michel Serrault qui se livre à des joutes verbales dans un jeu de question-réponse au tempo des bons mots de Michel Audiard, qui met sa plume au service d’un récit plus sombre qu'à l'accoutumée, le tout sous la houlette d’un relativement jeune Claude Miller qui maîtrise son film de bout en bout. Ce dernier met en place un dispositif quasiment théâtral, avec unité de temps, de lieu et d’action, où les rares sorties du huis clos spatio-temporel se font par des inserts fixes qui marquent le dialogue (un phare trop muet, un sourire qui ne devrait pas être sur ce visage, un corps de fillette anormalement sans vie…).

Garde à vue propose de s’immiscer dans le quotidien morose d’un commissariat parisien. L’enquête du jour concerne l’assassinat et le viol de deux gamines à huit jours d’intervalles. Le suspect, un notable, un notaire du nom de Martineau (Serrault, à la fois détestable et pitoyable) au caractère hautain et à l’esprit vif. Le chargé de l’affaire, l’inspecteur Gallien, c’est Lino, bourru et prêt à en découdre, peu importe la personne en face de lui. Ventura est en fin de carrière, mais reste cette figure inamovible, jusque dans sa physicalité, telle une porte de prison. Parfait pour le rôle du flic qui a tout vu, tout entendu, et reste de marbre face aux bravades de Serrault.

Son visage creusé porte les marques de l’enchaînement des horreurs dans un quotidien déprimant qui exclut une vie paisible, et a effacé les restes d’une foi en ses prochains. A ce titre, Gallien est sans détour, il affiche clairement que le statut de son interlocuteur ne changera rien à sa façon de procéder. Ce ne sont ni les injonctions du commissaire divisionnaire, plus politicien que flic et allant dans le sens du vent, ni la connerie impulsive de son collègue Belmond (Guy Marchand, comme un souffle de répit par son humour déplacé), qui le sortiront de ses gonds.

Non, pour que Gallien doute, il faudra l’intervention de Chantal Martineau (Romy Schneider, à l’impact inversement proportionnel à son temps d’apparition). Cette femme qui demandera lors de son échange avec l’inspecteur de garder la lumière éteinte. Symbole des ténèbres qui se sont abattus sur son couple, de l'impossibilité pour une pleine vérité d’éclater, et de l’intimité du témoignage qu’elle apporte.

Tout ce que l’on sait, c’est que deux gamines sont mortes, qu’un couple était au plus bas, distancé par un couloir de quinze mètres, et qu’un flic n’a plus foi. Si l’apparence du dispositif scénique peut sembler simple au premier abord, c’est bien pour laisser la part belle à la richesse du récit, à la maestria des interprètes, et à la capacité de l’audience à jeter l’opprobre sur ses concitoyens sous couvert de délit de personnalité et de témoignages galvaudés. Un polar maîtrisé, malin, et résolument sombre.