Tempête de boulettes sous les tropiques

Disclaimer : toute l'histoire est vraie.


7 Novembre 2017 - 04h45


Je sors d'un petit enchainement de parties tardives de Battlegrounds plus long que prévu (d'environ 400 heures). Soudain, je m'aperçois avec effroi que je viens de manquer l'ultime scéance pour Blade Runner diffusée par mon cher cinéma-d'art-d'essais-et-de-quinquas-abonnés-à-Télérama-donc-détenteurs-du-bon-goût adoré. Pire, plus aucune diffusion n'est prévu dans ma région. Horrifié, je réalise en panique et en caleçon que je vais devoir aller chercher la bobine convoitée dans de lointaines contrées. C'est ainsi que je réserve un allez simple pour Papeete (prononcer "pas péter"), coin paumé du pacifique néanmoins suffisement urbanisé pour disposer d'un ciné. Certains fantaisistes avanceront que Blade Runner était disponible à Paris, argument absurde qui ne tient pas puisque sur ma liste de communes classées par ordre alphabétique, Papeete figure avant Paris. Pis j'avais déjà réservé mon billet (véridique).


15 Novembre 2017


Décollage ; voyage de 30 heures ; visionnage boulimique des quelques 200 films dispos dans l'avion (y a pas Blade Runner) ; aterrissage ; transpirage...


16 au 27 Novembre 2017


Je passe sur les colliers de fleurs aux milles parfums, les paysages idylliques et les spécificités linguistiques locales qui consistent à utiliser 95% de voyelles.


28 Novembre 2017 - 11h45


Ca y est, enfin, après avoir vérifié méticuleusement les horaires sur le site officiel de la salle grâce à la connection internet 56k, je me dirige fièrement vers le cinéma. Je marche d'un pas décidé et énergique malgré les 30°, un pei dans la main gauche (sorte de chausson au pomme dans lequel on aurait remplacé la pomme par de la banane violette) et du rétia dans la main droite (sorte de batonnet gluant à l'aspect de foutre gelifié avec un vague arrière goût de coco).


11h55


La nana de l'acceuil m'annonce que Blade Runner n'est plus diffusé, que les horaires du site ne sont plus à jour depuis des semaines, qu'il vaut mieux aller sur la page facebook. Simultanément, j'ai envie de : exploser en sanglot, laisser échapper nerveusement un rire hystérique, lui éclater mon batonnet de foutre-coco sur le visage. Je me contiens.


11h57


Je me résout à aller voir un film catastrophe en 3D qui vient de commencer : Geostorm. Cette critique part n'importe comment ? Vous êtes choqués et déçus ? Merci, moi aussi.


11h58


Lorsque j'entre dans la salle, le regret ainsi qu'une violente odeur de sauce soja m'envahissent. L'unique spectateur présent, qui sera mon seul voisin de visionnage, est visiblement entré au hasard en confondant la salle avec celle d'un snack et est entouré de monceaux de ripailles en tous genres. Mais la nausée est vite chassée par le ridicule de la scène à l'écran. Dans un bureau, autour d'une table, des vieux politiciens parlent optimisation fiscale et taxe d'habitation. Un trentenaire avec des yeux de veaux se lève pour leur dire que quand des gens souffrent dans le monde c'est triste et pis que régler les problèmes en étant humaniste c'est bien. Ca doit être le héros.


12h15


Mon voisin fait des bruits de mastication de plus en plus prononcés. En fait les gens qui souffrent dans le monde (et qui à force, meurent) dont le héro parlait, c'est à cause d'un gros satellite du futur qui fait rien qu'à faire déconner la météo et risque de niquer la planète en générant une "géo-tempette"(ne riez pas). Du coup, le héro va demander à son frère de réparer le satellite parce que c'est lui qui l'a construit. Mais c'est compliqué parce qu'ils s'aiment plus trop et que le frangin boit des bières à 11h du mat'. Oh surprise, le bro accepte en ronchonnant au bout de 2 minutes, malgré son charactère un-peu-brute-mais-sensible-à-l'intérieur tout en virilité désabusée. Ca sent le menu maxi best of, encore plus complet que mon voisin qui vient d'entamer sa troisième entrée. Je vois venir d'ici le combo "sauvetage du monde" + "rédemption" + "réconciliation de deux frères rivaux". A tous les coups ils vont aussi oser le coup du sacrifice.


12h21
Tiens, y a même une petite nièce trognon, surdouée mais cool, espiègle mais complice. Comme le veut la tradition hollywoodienne, elle est incarnée par une actrice de 35 ans qui joue toutes les scènes à genoux pour faire croire qu'elle en a 13.


12h38


Le frangin saute dans une fusée pour aller réparer la station-satellite. Il réalise que les incidents provoquants les tempêtes seraient en réalité volontaires, et que tout ça ressemble à un complot... Le suspense monte ! Mon voisin se baffre de nouilles sautées.


13h08


On rencontre un personnage secondaire rigolo. C'est un geek et il a très chaud. Je m'identifie. Il est chinois et possède un nom ridiculement cliché. Il va surement mourir très vite.


13h17


C'est bien un complot ! Le méchant est un des politiciens du début. Mon voisin a enfin fini de bouffer. Il en a tellement foutu partout qu'il est obligé de changer de place pour ne pas nager au milieu de ses papiers gras et de ses flaques de sauces.


13h18


Chang meurt.


13h19


Il y a pleins d'effets spéciaux, prétextes à vaporiser des indiens dans une tornade et à faire courir une brésilienne en bikini sous une pluie de mouettes-glaçons (véridique). Mon voisin, très porté sur la question du graillon, pouffe de rire quand un personnage prononce le mot "Burrito".


13h46


Il y a un décompte final, comme pour une bombe, avec le déclenchement de la "géo-tempette" annoncé à la seconde près. Le frangin l'annule in extremis en restant sur la station-satellite en flammes qui s'auto-détruit (je l'avais bien dit). Toutes les tempêtes du monde s'arrêtent instantanément. Pendant ce temps sur Terre, le héro aux yeux de veau a tué le politicard social-traître d'une main et sauvé le président de l'autre en compagnie de sa fiancé-agent-secret-barbie.


13h48


Le président dit "Merci pour votre sacrifice". Au même moment, mon voisin lâche un petit rôt aux effluves de nem au porc.


13h51


Plan final sur une fusée qui décolle. "Une seule planète, bla bla, un seul peuple, bla bla, avenir commun, bla bla..." Alors que je m'apprête à sortir de la salle en enjambant les emballages graisseux et les gobelets vides, mon voisin devenu blême se précipite soudainement hors de son fauteuil avant de s'enfuir en courant vers les toilettes. Je ne saurais jamais s'il est parti si vite à cause de ce qu'il a mangé ou de ce qu'il à vu. Sans doute un peu des deux.

Philantroll
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Papaoutai, "Je m'en mouche le cyclope" ou le bouton manquant et Les meilleurs films sur l'enfance

Créée

le 30 nov. 2017

Critique lue 1K fois

6 j'aime

3 commentaires

Philantroll

Écrit par

Critique lue 1K fois

6
3

D'autres avis sur Geostorm

Geostorm
Behind_the_Mask
4

Si le ciel ne nous tombe pas sur la tête...

A l'évidence, Gerard Butler, c'est un bon gars. Et il restera pour la postérité un Léonidas charismatique et rageur... Sauf que depuis 300, on aurait envie de lui dire, à Jerry, de changer...

le 1 nov. 2017

46 j'aime

18

Geostorm
B_Jérémy
6

Un beau gâchis

Grâce à ce système de satellite les problèmes de catastrophes naturelles appartiennent désormais au passé. Geostorm est un film qui m'agace. Il réussi dès la scène d'ouverture à me proposer de...

le 29 oct. 2018

25 j'aime

10

Geostorm
Moizi
1

Vers un monde multipolaire illusoire

Bon Geostorm c'est nul, mal joué, mal raconté, prévisible au possible, il suffit de voir la tête d'Ed Harris pour connaître le retournement de situation... Bref rien à voir... La destruction est...

le 5 nov. 2017

24 j'aime

7

Du même critique

The Stanley Parable
Philantroll
10

#JE SUIS STANLEY

Le jeu-vidéo n'est pas (encore) un art, n'en déplaise aux ludophiles en herbe qui aimeraient en persuader leurs parents afin de pouvoir passer des nuits blanches à fragger tranquillement. Je n'ai pas...

le 4 févr. 2015

22 j'aime

5

Cities: Skylines
Philantroll
9

Le temps pour seule limite

Ça y est, c'est foutu, Steam affiche 11h de jeu de plus qu'hier, c'est donc une évidence : je ne ferais pas de critique de Cities Skylines. Ceci n'est pas une critique Au bout d'un certain temps...

le 31 mai 2015

20 j'aime

3

Ori and the Blind Forest
Philantroll
5

Cacawaii

On connait les jeux qui veulent être des films, développés par des Tartuffes méprisant les joueurs ou méconnaissant le médium. Dans le doute, ces cuistres préfèrent pondre un produit ressemblant à du...

le 16 mars 2015

19 j'aime

11